Agata 1. Le syndicat du crime

P ologne, 1931, l’avortement étant interdit, Agata est pressée de partir pour échapper à la police qui a eu vent de son interruption de grossesse. Aux États-Unis, elle retrouve son oncle, Césary, lequel vit à Chicago. La jeune femme, mignonne comme tout, ne tarde pas à imprimer sa (petite) marque dans ce nouveau monde. En ces temps de prohibition, elle travaille comme serveuse et pianiste dans un bar plus ou moins clandestin où James, son patron, la drague doucement. Bref, tout va pour le mieux. Mais les années 1930 sont aussi celles des rivalités mafieuses et l’immigrante se trouve, bien malgré elle, au cœur des tensions.

Dans Agata, Olivier Berlion raconte surtout un parcours migratoire. L’Amérique est la terre de tous les rêves, la frontière se révèle poreuse et il est possible de passer son test médical même si on s’évanouit dans la salle d’attente. Avec un peu de chance et beaucoup de travail, chacun a la promesse de gagner sa place au soleil et de s’intégrer à une société qui se veut ouverte. Du moins en théorie, car dans la réalité chaque diaspora a son quartier. La langue, les coutumes, les traditions culinaires persistent et les communautés sont solidaires face à toutes les adversités. À travers le quotidien et le destin d’une poignée de personnages, l’auteur de Tony Corso saisit l’essence d’une époque et des gens qui la façonnent.

Le dessin réaliste convainc ; les décors sont soignés, la reconstitution des lieux crédible et le jeu des acteurs généralement bon. Les planches sont dynamisées par de fréquents changements d’angles et de point de vue, lesquels se montrent parfois abruptes. Sans que ce soit systématique, l’artiste termine souvent ses scènes par un plan en plongée. Il le fait au-dessus de la ville, d’une chambre de bonne, d’une plage ou d’une rue. Pour s’assurer que l’héroïne, parfois vue de très haut, demeure identifiable, l’illustrateur la vêt d’une robe ou d’un béret de couleur vibrante (Jean-Pierre Gibrat a utilisé ce stratagème dans Le vol du corbeau). Pour tout dire, le bédéiste a du métier et il sait composer une page.

Une série qui s’annonce intéressante. Le bédéphile se demande tout de même pourquoi tant de bandes dessinées franco-belges ont pour cadre le pays de Donald Trump.

Moyenne des chroniqueurs
6.0