Face de lune Tome 1

D amnuestra, cette île-dictature est menacée de l’extérieur par des tsunamis géants et, de l’intérieur, par des révolutionnaires de tout poil. Les peurs et les espoirs des habitants se cristallisent sur Borrado, un humanoïde sans trait de visage capable de dompter les vagues et la matière. Le Kondukator craint de perdre son pouvoir alors que les rebelles y voient un signal clair pour lancer l’insurrection générale. Les différents acteurs de cet univers où la technologie côtoie les croyances vont entamer un jeu de cache-cache sanglant dans les souterrains de la ville-état.

Fruit de la première rencontre entre Alejandro Jodorowsky et François Boucq, Face de lune a connu une histoire éditoriale longue et compliquée. Contre toute attente, c’est Le Lombard qui propose désormais une intégrale luxueuse en deux volumes de cette série d’anticipation « à la Jodo ». Les connaisseurs savent à quoi s’attendre. Pour les autres qui ne connaîtraient pas encore les fondamentaux du créateur de L’Incal, attendez-vous à une bonne dose de mysticisme de bazar, beaucoup de symbolismes religieux revisités façon contre-culture et, évidemment, du sexe et de la drogue (mais pas de rock’n roll).

Comme cela avait été le cas avec Mœbius, Jodorowsky met son imagination sans borne au service de son dessinateur et permet à Boucq de faire démonstration de tout son talent. Celui-ci s’était déjà fait remarquer par ses collaborations avec Jérôme Charyn (La femme du magicien, Bouche du diable) et ses nombreuses nouvelles absurdes dont était sorti le célèbre Jérôme Moucherot. Succession de scènes à grand spectacle où les éléments se déchaînent, de courses poursuites et d'explosions dans les bas-fonds et une galerie de personnages hallucinants, il offre avec ce récit haut en couleurs un festival graphique impressionnant de maîtrise et d’inventivité.

Œuvre clivante comme c’est souvent le cas avec le réalisateur de La Montagne Sacrée, Face de lune brille néanmoins grâce aux audaces toujours répétées d’un François Boucq au sommet de son art.

Moyenne des chroniqueurs
7.3