Les lumières de Niterói

H elcio et Noel sont inséparables. Toujours en train de se chercher, de rire et de se chambrer, les deux amis sont pourtant à première vue totalement opposés. Le premier est grand, beau et son talent balle au pied fait rêver autant le quartier que les clubs de Rio. Le second est puceau, petit, bossu et s'échine à transporter des bouteilles vides pour se faire un peu d'argent. Juste avant que le Canto de Rio, le nouveau club d'Hélcio, ne défie le grand Vasco de Gama, les deux compères vont se retrouver embarquer dans une excursion qui va vite ressembler à une belle galère. Au point de risquer leur vie ? Leur amitié ?

Depuis 2015 et Tungstène (Fauve d'Or du polar au festival d'Angoulême 2016) Marcello Quintanilha ne cesse de démontrer son talent. Après le très réussi Talc de verre en 2016 et L'Athénée en 2017, cette année se termine sur Les Lumières de Nitérói.

Le Brésil et ses habitants servent à nouveau de cadre. Cette fois, direction Nitérói, cité portuaire juchée sur la baie de Guanabara, qui fait face à Rio. Sur ses plages et dans ses stades, l'auteur de Mes chers samedis raconte quelques jours, riches en émotions, de la vie des deux adolescents. Dès les premières pages, le récit marque par ses dialogues ; directs, réalistes, les échanges, souvent pleins d'humour, soulignent à la fois l'éloignement (du fait des références géographiques ou culturelles) et la connivence en renvoyant à cette époque de l'existence où l'amitié s'exprime davantage par la provocation et le défi que par les gestes. Si l’élément déclencheur du périple prête à sourire, il n'en demeure pas moins caractéristique de l'envie de sortir de la routine et de profiter de chaque occasion pour s'amuser. Marco Quintanilha parvient rapidement à piquer l'intérêt et accrocher le lecteur. La simple balade de ses héros se transforme ainsi en véritable aventure où la tension ne cesse de croître pour ne plus lâcher le livre jusqu'à la conclusion. Immergé tout au long des 240 planches, le lecteur en oublie les quelques difficultés d'identification devant la difformité de Noël et passe outre le côté arrogant - au foot comme dans la vie - du jeune Hélcio.

De son dessin si particulier, ni vraiment réaliste, ni pleinement caricatural, l'artiste entremêle les séquences, les lieux et parfois même les dialogues sans nuire à la lisibilité. Jouant du découpage pour accentuer l'urgence ou au contraire ralentir le tempo, il dose le rythme avec un savoir-faire indéniable. Et tant pis si son trait semble parfois approximatif, l'énergie dégagée est palpable, notamment grâce à ses plans serrés sur des visages expressifs. Chaque scène, de l'orage aux matches, en passant par les discussions enflammées sonne juste et possède une belle ambiance. L'ensemble se tient avec une constance certaine, sans flamboyance mais sans véritable écueil.

Remarquable dans sa narration et son exécution, Les Lumières de Nitérói happe et surprend pour finalement émouvoir. Une belle histoire de plus dans la carrière d'un auteur qui, à chaque œuvre, démontre un réel talent pour parler avec justesse de son pays, des gens et de la vie.

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Moyenne des chroniqueurs
7.0