Les grandes batailles navales 8. Texel - Jean Bart

E n 1694, la politique expansionniste de Louis XIV fédère ses voisins contre le royaume de France. La ligue des Provinces-Unie freine les ambitions du Roi-Soleil sur mer, l’étrangle militairement et commercialement. Un convoi chargé de blé est tombé aux mains des Hollandais. Pontchartrain, ministre des affaires maritimes, confie à Jean Bart la périlleuse mission de récupérer le chargement céréalier qui remplira les greniers de la nation. Le capitaine de vaisseau, d’origine roturière, vient d’intégrer la très convoitée Royale et d’être promu chef d’escadre. Un parcours aussi fulgurant et la mise à mal de la tradition, voulant que seuls les nobles accèdent au commandement des navires armés, attisent les jalousies et font naître des complots. Dunkerque, ville des préparatifs, devient le théâtre d’intrigues de cour et de stratégies, les unes se mêlant sournoisement aux autres.


Jean-Yves Delitte signe ici le huitième tome de la série Les grandes batailles navales. Ce projet éditorial, soutenu par le musée national de la marine et l’Académie des Arts & Sciences de la mer, a montré ses qualités et sa capacité à esquiver les écueils d’une telle entreprise. Évitant l’hagiographie, la restriction des points de vue et la simplification des faits, la collection vaut essentiellement par la narration des événements et des décisions amenant à la confrontation finale. En d’autres termes, l’auteur humanise le récit et l’insère dans toutes les passions, viles ou louables, des individus influents de l’époque.

Texel (du nom d’une île au large de la Hollande) est à la hauteur des tomes précédents, en ce sens qu’il présente également cet équilibre entre la précision historique, les vies privées, les destins nationaux, les explications nécessaires et le souffle épique. Les personnages secondaires ont une épaisseur suffisante, le parcours de Jean Bart est subtilement rappelé au fil des dialogues, les anonymes sont présents dans leurs préoccupations contingentes. Mais surtout, il s'agit d'une fort belle bande dessinée, qui n’hésite pas à proposer trois doubles pleines pages pour que l’œil ait la même satisfaction que l’esprit et que le trait élégant et précis de l’artiste soit mis en valeur.

« La brise porte les mots » disent les marins, mais le silence est souvent nécessaire. Il faut se méfier de toutes et tous. Texel illustre que la guerre des océans se gagne aussi – et peut-être avant tout – sur terre.

Moyenne des chroniqueurs
7.0