Lucky Luke (Les aventures de) 8. Un cow-boy à Paris

A lors qu’il reconduit, pour la énième fois, les Dalton au pénitencier, Lucky Luke fait la rencontre d’une main gigantesque portant un flambeau, posée sur un chariot et entourée par des indiens. Les esprits apaisés, le propriétaire de l’objet, Auguste Bartholdi, explique qu’il s’agit d’une infime partie d’une statue de quatre-vingt-treize mètres de hauteur, destinée à être installée à l’entrée de New-York, pour symboliser l’amitié franco-américaine. Mais l’emplacement est également convoité par un certain Abraham Locker, directeur de la nouvelle résidence des quatre frères, obsédé par l’enfermement sous toutes ses formes, qui y projette la construction d’une prison dont toute évasion sera impossible. Le cow-boy solitaire, pour protéger l’entreprise des agressions du geôlier obsessionnel, devient l’escorte du sculpteur, pour que celui-ci achève sereinement sa tournée promotionnelle. À l’issue de celle-ci, le Président des États-Unis lui propose de traverser l’Atlantique pour prendre possession de l’ensemble de l’ouvrage.

C’est fait. Pour sa 80è aventure, le héros créé en 1947 par Morris, quitte pour la première fois le continent américain. Le pas méritait d’être franchi, avec une destination évidente : Paris. Jul (Silex and the city) et Achdé, qui a illustré tous les épisodes des Aventures de Lucky Luke, reprennent leur collaboration après le réussi La Terre promise. Le successeur a déjà démontré avec quelle précision il a intégré le trait du Maître, son traitement particulier des couleurs et son sens du détail. Sur ce plan, l’esthétique du père fondateur de la série est totalement respectée.

Néanmoins, c’est sur l’écriture du scénario et le traitement de la dimension comique que sont attendus tous les albums sortis depuis la disparition du créateur. C’est, avec ce nouvel épisode, une réussite complète. L’intrigue, en quarante-six planches, est menée tambour battant. Les séquences sont équilibrées, les pauses sont mesurées et le rythme emporte avec plaisir. Par ailleurs, l’humour, omniprésent sous la forme de clins d’œil, de jeux de mots et de plaisanteries en tous genres, fait mouche à chaque coup. Il faut souligner là un talent de plume, une finesse d’esprit et une culture qui convoque de multiples allusions dans des domaines fort variés. Se succèdent la Reine des neiges, Donald Trump, Tintin, Jacques Dutronc, la SNCF ou le débarquement d’août 1944. Mais aussi Balzac, Hugo et le couple Bovary à l’occasion d’une succulente conversation dans le train. Ou bien Rantanplan en gargouille, Jolly Jumper à Longchamp ou Rimbaud et Verlaine en consommateurs d’absinthe peu conventionnels.

Ce combat plaisant, entre lady Liberty et un maniaque de la claustration, est aussi un formidable hommage à la bande dessinée franco-belge, dont la traque des références occupera les longues soirées d’hiver. Bien mieux réussi que son prédécesseur – qui ne manquait pourtant pas de qualités – Un Cow-Boy à Paris ramène la série au niveau de son âge d’or, celui d’un certain René Goscinny.

Moyenne des chroniqueurs
6.5