La résistance des sensibles La Résistance des sensibles

V ictor, artiste en herbe, a de plus en plus de mal à créer. Devant ses dessins, démontrant un certain talent mais sombres et déprimants, il doute et n'arrive plus à rien jusqu'au jour où, dans un bar, un drôle de docteur lui propose un travail : rencontrer ses « inadaptés », comme il les appelle, et mettre en image leurs récits. Mais qui est cet étonnant personnage, visiblement richissime, et de quels maux souffrent ses patients ?

Après un prologue déroutant, dans lequel le docteur H s'adresse au lecteur, La résistance des sensibles, première bande dessinée de Michel Délié, s'intéresse au sort de son héros. Sensible et perdu, Victor ne trouve pas sa place dans une société qu'il juge décadente et individualiste et va devoir écouter les autres, leurs peurs et leurs névroses. À travers leurs angoisses, l'auteur expose à son héros l'hypocrisie des relations, la déshumanisation du travail et des tâches. Autant de perceptions qui font écho à son propre questionnement sur le sens de l'art, son rôle, son impact, l'importance de son message, sa nature et sa portée, dans une société où le divertissement et le libéralisme rendent chaque démarche et chaque comportement de plus en plus automatisé.

Une impression qu'il souligné en utilisant des tons sépia, noir et blanc, un trait caricatural et un découpage rectiligne et resserré. Les planches denses et les phylactères abondantes renvoient à la sensation d'étouffement qui étreint le protagoniste principal. Le quotidien aliénant voire inquiétant des témoins que Victor croise, ajouté aux querelles incessantes entre ses colocataires sont autant d'agressions extérieures qui freinent le jeune homme dans sa quête de sens. Et les rares interventions de son commanditaire ne l'aident guère à reprendre pied. C'est d'ailleurs le principal défaut de cet album : le propos se perd souvent en digressions rhétoriques quelque peu obscures qui font baisser l'intérêt. Et l'ambiance dérangeante qui se dégage de chaque rencontre n'invite pas à s'immerger dans l'intrigue. Pourtant une fois la fin atteinte, les intentions de Michel Délié s'éclaircissent, au moins en partie.

Drôle de titre que cette Résistance des sensibles, à la fois pertinent et dérangeant. Le sujet aurait mérité une forme moins hermétique (ou moins de détours, pas toujours clairs) pour proposer une histoire passionnante de bout en bout et déposer l'impression d'être face à un exercice de style graphiquement étudié mais un peu vain.

Moyenne des chroniqueurs
5.0