Bionique

P as facile la vie de lycée quand on est élève lambda. Victor aimerait bien aborder Patricia, mais jamais elle n’acceptera de lui parler. « Vous ne jouez absolument pas dans la même catégorie » lui répète son pote Gus. Le jeune homme ose finalement se jeter à l’eau et, contrairement à ce qu’il redoutait, la conversation se passe plutôt bien. Puis, patatras, c’est l’accident, Patricia est renversée par un chauffard et est gravement blessée. À son retour à l’école, elle est complètement changée. Physiquement d’abord, avec ses multiples greffes bioniques qui la maintiennent en vie, mais également psychologiquement. Au delà de sa chair, c’est son être profond qui s’est radicalement modifié. Suffisamment pour oublier Victor ?

Partant de prémices déjà mille fois vus et revus, Koren Shadmi met en scène une réflexion sur l’être et le paraître inattendue et totalement d’actualité. Dans Bionique, l’auteur d’Abaddon « reboote » la bluette adolescente et la propulse dans le XXIe siècle. À la surface, le « geek » se prend des râteaux et se fait ridiculiser par les fiers-à-bras de l’établissement ; ses amis du club informatique essayent évidemment de le raisonner. Obstiné, il sera le dernier à croire à ses chances, alors que le fruit de ses désirs commence à dérailler sévère. Le récit change alors de forme pour se muter en une version hightech de La Fureur de vivre (le célèbre film de 1955 avec James Dean). Déchirée par sa nouvelle nature, ne supportant plus le regard des autres, Patricia part en torche, entraînant malgré lui ce benêt amoureux transi.

Shadmi a l’intelligence de ne pas jouer sur la surenchère permanente. Même s’il y a de la violence, de l’excès, quelques substances prohibées et même un peu de sexe, la narration reste dans les clous d’un quotidien tangible. Autour des tourments des héros, la vie continue. Il faut aller en cours, un parent perd son emploi, un autre travaille trop, etc. Quand au côté technologique, il est parfaitement intégré et permet même quelques réflexions intéressante sur le transhumanisme et ses limites.

Roman du passage à l’âge adulte mâtiné d’anticipation pas si extravagante que ça, Bionique est une lecture prenante jouissant d’un réalisation graphique impeccable.

Moyenne des chroniqueurs
7.0