Monk ! Thelonious, Pannonica...

C ompositeur majeur de l’histoire du jazz, Thelonious Monk a longtemps souffert d’un manque de reconnaissance de la part d'une bonne partie des amateurs éclairés et de la majorité du grand public. Musicien exigeant et novateur, ce sont ses excentricités qui faisaient le plus parler, à son grand désarroi. Son œuvre – avec des standards devenus universels tel que ‘Round Midnight, Straight, No Chaser ou Blue Monk -, est maintenant reconnue comme incontournable.

Pour aborder ce grand artiste, Youssef Daoudi a intelligemment choisi une voie décalée. Plus proche de l’évocation que de la biographie, Monk ! présente des impressions et des moments de la vie du pianiste. Toujours en accord avec son thème central, le scénariste a « improvisé » (comme il se doit) et mis en scène le paysage musical de l’homme ainsi que celui du New-York de l’après-guerre. Dizzie, Bird, Miles (dont l’unique session d’enregistrement avec Monk c’était fini en pugilat), Roach, etc., ils sont tous là à courir le cachet et à « s’affronter » pour savoir qui ira le plus loin dans l’audace musicale. Il faut se rappeler que le jazz était alors en ébullition : le be-pop avait fait exploser les vieux modèles, le hard-pop allait lui succéder avec fracas tandis que le cool arrivait de la Côte ouest et que certains, comme Cannonball Adderley, lorgnaient déjà vers les Caraïbes pour y puiser des sons neufs.

Et puis, il y a les fans et plus particulièrement la surprenante baronne Pannonica de Koenigswarter (née Rothschild). Pièce rapportée de la vieille Europe passionnée par ces nouveaux rythmes, celle-ci s’était installée à Big Apple après avoir gagné ses galons sur le front nord-africain face à Rommel. Elle baladait les musiciens dans sa Rolls, les aidait financièrement et, surtout, les comprenait à une époque où les relations interraciales étaient impensables aux USA. Daoudi profite de l’occasion pour dresser un portrait frappant de celle qui avait pris sous son aile un Monk souvent incontrôlable du fait d’une bipolarité non diagnostiquée « soignée » à coup d’alcool et de stupéfiants. La narration en devient presque romantique en s’ouvrant sur cette autre destinée au cours improbable.

Malgré une réalisation graphique un peu fluctuante au fil des chapitres, Monk ! réussit le tour de force de très bien cerner ces deux êtres aux personnalités indicibles qui ont su se comprendre et s'estimer malgré leurs différences.

Moyenne des chroniqueurs
7.0