Le reste du monde 3. Les frontières

L es catastrophes naturelles se sont succédées et rien ne va plus. Des groupuscules survivent tant bien que mal : un peu de chasse, des potagers, de la coopération et surtout, de la prudence. Il est important de se faire discret, car des gangs structurés, armés et violents, pillent, violent et tuent. Hugo et Jules ont joint un clan de jeunes réfugiés dans une ancienne colonie de vacances ; deux ans plus tôt, les garçons ont abandonné leur mère qui s’est sacrifiée pour leur donner une chance d’échapper aux crapules. Convaincus qu’elle est décédée, ils comptent rejoindre leur père dont ils demeurent sans nouvelles depuis des lustres. Ce dernier vit en Espagne, pas vraiment loin, mais la frontière est dorénavant militarisée et difficile à franchir.

Dans cet avant-dernier tome de la tétralogie Le reste du monde, Jean-Christophe Chauzy poursuit le récit des aventures des deux gamins. Bien qu’il n’y ait pas de zombies dans cet univers, il est tentant de faire un parallèle avec les Walking Dead. Le propos se révèle sensiblement le même ; alors que la société s’écroule, c’est chacun pour soi. Comme dans la saga de Robert Kirkman, le spectateur découvre la nouvelle (in)humanité par le petit bout de la lorgnette, jusqu’à ce que le scénariste fasse intervenir le père et en profite pour glisser quelques éléments contextuels, notamment que des pays du Maghreb imposent maintenant leur loi au sud des Pyrénées.

Le dessin réaliste est efficace. L’artiste ne ménage pas ses efforts pour peaufiner les décors ; c’est la fin du monde et il la présente sans concessions avec ses routes détruites, ses véhicules abandonnés, sans oublier les plages jonchées de poissons morts et de corps de mammifères marins. Le découpage se montre spectaculaire : planche fractionnée en trois vignettes verticales, bandes confortablement étendues sur deux pages et abondance de très grandes illustrations. Les moments de tension sont par ailleurs renforcés par des cases aux formes trapézoïdales posées en angle, comme si elles déboulaient. Un seul bémol, les personnages souffrent d’une étrange raideur et leur jeu s’en ressent.

Une chouette histoire dans laquelle les scènes de violence alternent avec les paysages à couper le souffle. La trame n’étant pas vraiment originale, l’auteur devra trouver le moyen de surprendre son lecteur dans l’ultime album de cette série.

Moyenne des chroniqueurs
6.5