L'odyssée d'Hakim 1. De la Syrie à la Turquie

P rofondément choqué, voire ébranlé, par la tragédie des migrants, Fabien Toulmé a décidé de faire sa part pour donner un visage à ces millions de déplacés fuyants guerre et misère. Grâce à un ami journaliste, il a pu rencontrer Hakim, un réfugié syrien fraîchement établi en France après une épopée de plusieurs mois d’Orient en Occident. Voici son histoire.

Raconté à hauteur d’homme, ce récit édifiant permet d’entrevoir de matière frontale ce qu’a pu endurer ce héros involontaire. Ce dernier, un monsieur Tout le monde, va, tour-à-tour, être témoin des premières manifestations à Damas, se faire arrêter et torturer par la police secrète avant de tout quitter – famille et entreprise – pour sauver sa peau. Liban, Jordanie, Turquie, les premières étapes de son exil vont le voient être exploité et humilié par des employeurs peu scrupuleux et constater l’apparition et la multiplication des regards malveillants de ceux à qui l’étranger fait peur. Heureusement, il peut compter par la diaspora syrienne pour trouver un peu de réconfort quand les autres portes se ferment à lui.

Le travail quasi-pédagogique de l’auteur des Deux vies de Baudouin est remarquable de précision et d’humanité. Avec un trait qui rappelle celui de Guy Delisle et Max de Radiguès, le dessinateur dépeint clairement cette fuite vers une vie possible à défaut d’être meilleure. Par contre, l’effet d’identification recherché par Toulmé dans son préambule est moins immédiat. Le ton totalement neutre de la narration manque de tranchant. Sans aucun recul ou autre point de vue que celui d’Hakim, cet opus ressemble beaucoup à un témoignage comme il en existe malencontreusement des milliers dans les archives du HCR. Le constat est dramatique, mais il ne fait que s’ajouter à la pile. Sur le même sujet, des ouvrages tel que La fissure, Une métamorphose iranienne ou le tout récent Prendre Refuge transmettent, grâce à des choix artistiques audacieux et volontaristes, des émotions et des ressentis d’une manière nettement plus convaincante.

Cri du cœur et démonstration implacable de ce qu’est le déracinement, L’Odyssée d’Hakim pèche un peu par la forme. Il s’agit néanmoins d’une lecture indispensable pour mieux comprendre les autres et leur quotidien.

Moyenne des chroniqueurs
6.0