Toboggan 1. Toboggan

A nnées 50. L'Europe et une partie du monde pansent les plaies d'un conflit sans précédent. Otto Von Acht est un ancien ingénieur nazi qui travaille désormais pour le compte des USA sur un projet gigantesque. Le deal est simple : s'il veut obtenir sa naturalisation et que les documents qui concernent son passé de SS soient détruits, il doit construire un toboggan spatial pour permettre au président des États-unis de se vanter d'être le premier à envoyer un homme sur la Lune. Mais dans l'ombre, les services secrets israéliens sont sur son dos, car il doit payer pour ses crimes contre le peuple Juif.

À partir du «paperclip» qui était une opération secrète du gouvernement américain consistant à exfiltrer et récupérer près de 1.500 scientifiques issus du complexe militaro-industriel du IIIè Reich, Mathias Bonnard laisse aller son imagination pour proposer une version délirante d'après-guerre. Il permet de suivre les (mes)aventures d'un ancien criminel allemand dont le seul tracas est tout sauf le remords, ou encore plus louable, une éventuelle rédemption. Focalisé sur le succès du projet de lancement spatial et préoccupé par le souci de se faire rapidement oublier pour échapper au Mossad qui s'est juré de lui tanner la couenne, Otto, personnage hautain, détestable et bien dans son rôle, va mettre ses compétences techniques au service du pouvoir U.S. En contrepartie, il espère acheter liberté et anonymat. L'auteur joue avec et autour d'un thème piquant et sensible en y incorporant nombre d'événements extravagants et autres propos ubuesques dans lesquels la bêtise humaine n'est pas en reste. L'alchimie opère pour livrer un premier tome satirique réussi qui dénonce avec force l'ambition, la guerre et l'espionnage.

Le dessin très caricatural reste bien ancré dans la lignée de l'histoire. Le scénariste, au four et au moulin dans ce premier album, revêt également la casquette de dessinateur. Son trait nuancé entre gris clair et gris foncé, est très fin, appliqué et précis, et plus surprenant encore, il parvient à casser les préjugés et bousculer les standards en la matière. Tous affublés de têtes de cochons vissées sur des corps d'humains, les personnages sont présentés avec des physiques qui les rendent à la fois ridicules et beaux. Quant à Otto, dire qu'il lui a été ajouté un cache-œil pour qu'il rappelle le fondateur d'un mouvement politique extrémiste, il n'y a qu'un pas que vous aurez le loisir de franchir ou pas.

Emporté sur un toboggan riche en péripéties et idées qui échappent aux contraintes du réel, le lecteur se laisse glisser vers des sensations inédites garanties. De bon augure pour la suite.

Moyenne des chroniqueurs
7.0