Margot la folle (Broadbent/Dix) Margot la folle

M argot est folle. Elle habite une masure, seule sur une île. Elle passe ses journées à pêcher des anguilles qu’elle revend pour quelques sous au village où elle est le souffre-douleur. Après un épisode particulièrement éprouvant, elle consulte un grimoire et se fait sorcière. Au terme de ses incantations, elle demande deux faveurs : richesse et compagnie, mais elle sait bien qu’elle ne peut obtenir qu’une des deux.

Surtout connu pour ses rôles au cinéma (Harry Potter, Game of Thrones, Indiana Jones, etc.), Jim Broadbent ajoute une corde à son arc et devient scénariste de bande dessinée. Pour ce coup d’essai, il s’inspire d’une toile de Pieter Brueghel l’Ancien, Margot la folle, exposée au Musée Mayer van den Bergh à Anvers. La peinture présente une femme en armure traversant un espace peuplé de monstres.

Dans son roman graphique, l’écrivain met en évidence la complexité du personnage. Il la présente fragile avec ses quelques mots de vocabulaire et son faciès ingrat, lorsque les villageois se moquent d’elle ou qu’elle joue avec des cadavres auxquels elle sert le thé comme s’il s’agissait de poupées. À ce moment, elle s’exprime d’ailleurs avec un langage soutenu, lequel fait entrevoir la possibilité que les origines de l’aliénée ne seraient pas vraiment modestes. Puis, le lecteur la déteste lorsqu’elle torture des animaux, cuisine des mets infects et réduit un homme à l’esclavage. À l’instar de la protagoniste qui vit dans le silence, le récit est en bonne partie muet. Le scribe accorde toute sa confiance à l’illustrateur et laisse parler les images. La fin est ouverte et ambiguë ; la misérable voit un de ses souhaits lui échapper, à moins que ce ne soit les deux.

Dans les illustrations de Dix, tout est gris, sombre et désolation. Les acteurs se révèlent tous laids, à une exception, une dame qui a offert son aide à la maudite, laquelle l’a refusée. Les scènes où la pestiférée roucoule avec les enfers donne lieu à des dessins impressionnants faits d’anguilles monstrueuses et de rivières de sang. Le passage vers le Pandémonium est quant à lui mis en lumière par une double page où son corps, puis son visage, sont déconstruits dans une multitude de cases. Dans l’ensemble, le travail de l’artiste demeure néanmoins sobre et passablement répétitif.

Une histoire intéressante, quoique simple et un peu longue. Le bédéphile aurait par ailleurs aimé que les auteurs établissent des liens tangibles avec l’huile peinte au XVIe siècle.

Moyenne des chroniqueurs
6.0