Obscurcia 1. Chapitre 1

D epuis l'internement de leur mère, Alex et Nina sont très soudés. Et même si l'aîné aime titiller sa petite sœur, il n'hésite jamais à prendre sa défense. À la suite d'une énième altercation avec Jack, le caïd de l'école, qui lui vaut une nouvelle remontrance de son père, Alex va découvrir grâce à son chat quelque chose qu'il n'aurait jamais cru possible...

L'univers des mondes parallèles appliqués aux rêves (ou aux cauchemars) a toujours représenté une source d'inspiration intarissable pour les créateurs. Que ce soient en films (Inception, Dreamscape) ou en romans (Alice aux pays des merveilles) et même en bande dessinée (La brigade des cauchemars) il n'est pas rare de voir les auteurs jouer avec ces concepts. Dans cet album, David Boriau a imaginé une histoire qui, bien que basée sur l'idée de cette autre réalité, s'étoffe de thèmes qui lui sont chers. Le lien parent-enfant, l'absence ou la disparition des premiers, l'aventure et bien sûr le fantastique. Il va ainsi propulser son jeune héros dans un univers inconnu pour affronter mille périls afin de sauver sa frangine. L'intérêt ici réside dans le ton et l'amalgame improbable, mais réussi, entre les éléments inquiétants et leurs essences premières. Des doudous et des jouets d'une part et d'autre part le danger qu'ils représentent.

La construction, à la fois drôle, mystérieuse et effrayante, qui détourne les éléments de notre enfance pour mieux les rendre flippants, engendre une ambiguïté qui rend la lecture prenante. Un mélange aussi bien visuel avec le « bestiaire » et les décors conçus par Steven Dhondt, que narratif ; le phrasé décalé de Bidibidou, sa silhouette rondouillarde surmontée d'un sourire monstrueux, son mode de déplacement cocasse, le médecin, sorte de docteur Moreau au look de clown triste, etc. les associations sont nombreuses, variées et... déroutantes ! Comme le scénariste de Passages Secrets imprime un rythme enlevé à son intrigue, la centaine de planches se dévorent d'une traite. Entre combats, questions et révélations, il ménage peu de temps mort à son jeune héros comme à ses lecteurs et propose une narration nerveuse.

Cette sensation est accentuée par la mise en page du dessinateur (dont c'est la première publication dans nos contrées). Sur rarement plus de six cases et s'appuyant sur un découpage très dynamique qui rappelle celui des mangas, ses planches sont limpides et efficaces. L'économie de dialogues lui permet de laisser son dessin, vif et lâché, pleinement respirer. Son trait est mis en valeur par la colorisation toute en nuance de Yoann Guillo. Celle-ci installe de belles ambiances western (pour les teintes ocre pastels du début) ou oppressantes (pour les bleus-verts des décors cloisonnés de la dernière partie).

Avec ce premier chapitre, à l'identité graphique marquante, Obscurcia réussit une entrée en matière convaincante. Ne reste plus qu'à attendre les deux prochains opus pour s'assurer que les (belles) promesses de ce début soient tenues.

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Moyenne des chroniqueurs
6.0