Bouts d'ficelles

O n veut être serviable, aider son prochain et paf, tout le monde vous tombe dessus. Pourquoi ? Thibault ne sait vraiment pas comment un simple acte de gentillesse a transformé sa nuit en cauchemar sans fin. Et si ce n’était pas son jour, tout simplement ?

Le bien trop rare Olivier Pont propose un album en liberté entre jeu formel et écriture automatique. Comme son titre l’indique, l’intrigue de Bouts d’ficelles n’est pas des plus exigeantes. Par contre, la manière est remarquable. Le scénariste ne s’est posé qu’une seule contrainte (au lecteur de la deviner avant la fin) et a laissé dérouler son imagination en avançant à l’aveugle. S’étant trouvé au mauvais endroit au mauvais moment, c’est le pauvre Thibault qui fait les frais de cette version parisienne d’After Hours. Personnages loufoques ou inquiétants, retournements de situations improbables (mais logiques), un soupçon de peinture sociale et, heureusement, pas mal d’humour transforment cette virée nocturne en un véritable jeu de piste passionnant à suivre. Résultat, il est impossible de lâcher l’ouvrage avant sa conclusion. Quitte à parier que rares sont ceux qui ne retourneront pas en arrière pour repérer les éléments cruciaux qui auraient échappé à leurs yeux.

Plus lâché que dans ses œuvres précédentes, le trait du dessinateur de Où le regard ne porte pas a gagné en spontanéité et en énergie. D’un côté, les (très) divers protagonistes rivalisent d’ébahissements et de rictus improbables. De l’autre, les lieux (égouts, ruelles, bars, etc.) sont dépeints avec précision et un cachet immédiatement reconnaissable. Le tempo est d’enfer, mais le cadre et les acteurs conservent en tout temps leur identité visuelle. Homogène et toujours très lisible malgré un propos volontairement foutraque, le récit démontre un talent et une envie de raconter admirable.

Sous ses faux-air de thriller noir se cache en fait une fable aux allures de farce de gamin de Doisneau. Bouts d’ficelles, parfois il suffit de pas grand-chose pour oser s’aventurer sur les toits de la Capitale.