Violette Morris, à abattre par tous moyens 1. Première comparution

P ersonnalité atypique au destin troublé, Violette Morris (1893 – 1944) est avant tout une pionnière. Née dans une société où les femmes étaient considérées comme des citoyennes de seconde classe, elle n’a cesse de braver les interdits et imposer sa présence dans des activités jusqu’alors réservées aux hommes. Natation, athlétisme, pilotage (automobile et aviation), elle est partout. De plus, elle a très rapidement compris comment utiliser les médias à son avantage et était devenue une véritable « people » avant l’heure. Sa chute sous les balles des Résistants à la fin de la guerre en sera d’autant plus brutale. En choisissant la collaboration avec l’occupant, elle avait scellé son sort.

Aujourd’hui largement passée sous silence, Violette Morris réapparaît néanmoins de temps à autre dans des documentaires historiques ou des fictions (certains se souviendront du Droit chemin de Wilfrid Lupano et Morgann Tanco où elle fait une apparition tonitruante). Les archives d’État des années noires s’ouvrant petit-à-petit, Kris et Bertrand Galic se joignent à Hervé Loiselet (Le bruit de la machine à écrire), Philippe Saada (Juger Pétain) ou Pat Perna (Darnand le bourreau français) pour retracer au plus près une vie extraordinaire achevée dans l’infamie.

Imaginée autour de l’enquête menée par Lucie Gosselin (résistante devenue détective privée sur les traces des nombreux disparus du conflit et ancienne coreligionnaire de Violette), l’intrigue mélange habilement les époques alors que des zones d’ombre demeurent sur les réelles raisons de sa condamnation à mort par l'état-major des FFI à Londres. Retours en arrière purement biographiques, portrait réaliste de la condition féminine durant le premier tiers du XXe siècle et, quand même, un véritable suspens qui se construit tranquillement, la lecture est prenante, quoique touffue par moments. Sans jamais tomber dans l’hagiographie ou le témoignage à charge, les scénaristes font preuve de beaucoup d’honnêteté et, sans doute, de tendresse envers cette femme d’exception.

Graphiquement, Javi Rey réalise un excellent travail de reconstitution. Très axée sur les protagonistes, la mise en page est particulièrement dynamique. Le dessinateur a posé sa « caméra » à hauteur du regard et plonge le lecteur au cœur de l’action. Cette astuce de mise en scène permet de faire digérer les quelques pavés de texte essaimés tout au long de l’album.

Même si le jugement est déjà tombé il y a plus soixante-dix ans, cette Première comparution s’avère totalement aboutie et convaincante.

Moyenne des chroniqueurs
7.0