Tout le plaisir est pour moi

D akota, fin du XIXe siècle. Les guerres contre les Indiens sont presque terminées. Les natifs sont soumis, méprisés, humiliés. Mais lorsque Sitting Bull est assassiné, un de ses anciens compagnons d’armes décide de le venger. Il tue quelques militaires, un pasteur et un fermier. Et ce n’est que le début. La fille de ce dernier a tout vu et crie vengeance. Archibald, un officier français du VIIe de cavalerie se lance à la poursuite du meurtrier, accompagné d’Aigle rouge, un policier autochtone, lequel collabore avec les blancs et accepte d’être traité comme un citoyen de seconde zone. Le duo fonce dans le blizzard pour traquer le criminel qui sème les cadavres sur son passage.

À travers cette anecdote, Olivier Mau raconte le crépuscule d’une civilisation à travers les yeux d’un étranger féru de culture, dans un pays où les idéaux des Lumières et le message de Balzac trouvent peu d’écho. Le déroulement est lent, souvent muet (le guide amérindien rappelle d’ailleurs fréquemment à son partenaire qu’il bavarde trop) ; le scénariste s’efface et laisse alors parler les images, celles de la nature, de la tempête qui balaie l’album, de la faune, des gens, les envahisseurs comme les envahis. Les motivations de tout un chacun sont sibyllines et l’auteur réserve au bédéphile une chute confondante. Mentionnons également une excellente mise en abyme en guise de prologue. Au passif, certaines transitions sont abruptes et forcent le lecteur à reculer de quelques pages pour retrouver ses repères.

Le dessin, en noir et blanc, de Fred Druart se révèle lui aussi intéressant. L’artiste se montre habile, particulièrement pour dessiner les paysages. La construction des planches est dynamique et les angles de vue variés. À certaines occasions se glissent cependant des maladresses (un gros plan de chapeau avec des jambes dans la case du dessous, ça donne un chapeau qui marche) ; les acteurs sont d’autre part nombreux et par moments difficiles à reconnaître, parfois même d’une vignette à l’autre.

Un récit bien construit, des personnages complexes ; une chasse à l’homme qui fait le pont entre deux mondes, entre la révolte et la résilience.

Moyenne des chroniqueurs
6.5