Kraken (Pagani/Cannuciari) Kraken

S erge, ancienne gloire de la télévision, dilue dans l’alcool le souvenir d’un fils disparu en mer. Un jour, il trouve sur son pas de porte Damien, seul survivant d’un naufrage qui a vu périr en mer son père et tant d’autres. Entre cet enfant persuadé qu’un monstre marin est la raison de la perte des siens et l’ancien présentateur s’engage une curieuse relation où l’un pourrait sauver l’autre…

Kraken vient d’Italie où il a reçu le prix du meilleur album italien au Romics 2018.

Emiliano Pagani et Bruno Cannucciari livrent ici un roman graphique à la psyché tourmentée. Il est ainsi question de culpabilité, celle d’un père responsable de la disparition de son fils ; de persécution, celle d’un enfant dont le tort est d’avoir survécu à une sortie en mer d’où la fine fleur locale n’est pas revenue ; d’obscurantisme, celui d’un village qui se cherche une victime expiatoire à la malédiction qui l’assaille ; de traditions, celles qui vous obligent à rester alors que vous rêvez de partir. Et puis, il y a le Kraken qui hante les eaux troubles des consciences présentes à défaut des abysses environnantes.

Sur cette métaphore maritime, Bruno Cannucciari développe une galerie de portraits qui portent leur âme à même la peau. Parfois à la limite de la caricature, le trait n’en demeure pas moins juste lorsqu’il s’agit de saisir toute la détresse d’un port de pêche moribond qui s’abîme dans le gris brumeux de journées sans espoir où les verts marins des nuits qui le submergent.

Au sein de cette communauté qui rejette au large ce et ceux qui lui sont étrangers, les monstres ne sont pas forcément ceux que l’on croit…

Moyenne des chroniqueurs
7.0