Guarani : Les enfants soldats du Paraguay Guarani : Les enfants soldats…

E n 1868, Pierre Duprat part en reportage pour l'Amérique du sud avec comme objectif, rencontrer les femmes guarani, une ethnie n'ayant encore jamais été photographiée. Sa spécialité est d'immortaliser les indigènes dénudées, cela pour le plaisir de riches collectionneurs européens. À son arrivée, le professionnel se trouve pris dans un conflit dirigé par la Triple Alliance Brésil, Uruguay, Argentine, qui lutte depuis quelques années contre le maréchal Lopez. Ce militaire se révèle prêt à tous les sacrifices humains pour mener jusqu'à la fin le combat, même s'il est manifestement perdu d'avance. Les adultes ayant déjà été décimé, il recrute alors les habitants indiens en bas âge du petit village d'Acosta Nu, une unité qui servira de chair à canon.

Chaque 16 août («Journée de l'enfant» au Paraguay) est dédié à ces petits bouts, sacrifiés pour satisfaire l'ego moribond d'un stratège jusqueboutiste. Diègo Agrimbau met en lumière une guerre méconnue impliquant son continent natal, avec bien évidemment l'Europe opportuniste en arrière-plan. Y a t-il vraiment eu un temps où les hommes combattaient avec honneur, respect de l'adversaire et de leurs propres soldats ? Le regard extérieur de Duprat permet de suivre l'évolution de son état d'esprit, de la neutralité à l'horreur et du dégoût à l'impuissance. En opposition à ses convictions, celles des autres personnages, chacun persuadé de sa légitimité, chacun défendant sa paroisse et personne ne pourra les blâmer.

Cet ouvrage constitue la nouvelle collaboration des deux artistes, après La grande toile et La bulle de Bertold. Gabriel Ippóliti trace avec finesse les contours et avec une trame légère au crayon, accorde relief et ombrage aux illustrations. Il les habille de couleurs directes, dans des tons naturels (sépia, ocres, vert) pour un travail d'excellente facture : justesse des expressions, paysages exotiques et ambiance dramatique.

S'il suffisait de tracer une moustache au bouchon brûlé pour être un homme… L'innocence des enfants prise en otage et bafouée pour une satisfaction personnelle, voici contée une bataille honteuse, comme il y en eu tant d'autres, mais chacune méritant un témoignage appliqué.

Moyenne des chroniqueurs
7.0