Itinérêve d'un gentilhomme d'infortune (Le Prince de l'ennui) Le prince de l'ennui

D racula, seul dans son château, trouve le temps long. Pour rompre la monotonie, il a, au fil des ans, convoqué tous les maîtres du roman fantastique, et c’est maintenant au tour d’Étienne Hauterue de le désennuyer. Ce dernier choisit de lui faire le compte-rendu de ses pérégrinations au Royaume-Uni. De Plymouth à Ullapool, en passant par Liverpool, Londres et Édimbourg, l’épopée se révèle haute en couleur. Le héros s’envole sur un menhir, affronte des spectres et observe des phénomènes célestes. Au hasard de ses déambulations, il croise le révolutionnaire irlandais Michael Collins, puis une certaine Beatrix Potter, laquelle songe à écrire un livre pour enfants, sans oublier Led Zeppelin et les Beatles… dans une histoire campée au XIXe siècle.

Le scénario de Stéphane Heurteau part dans toutes les directions : récit de voyage et d’aventure, avec un brin d’onirisme et de macabre. Le conteur mélange allègrement les acteurs réels, imaginaires et fictifs, y compris les ânes qui prélèvent un droit de passage sur certaines routes. Ne s’arrêtant pas en si bon chemin, il se moque du quatrième mur : « Ça ne se voit pas, mais l’infortuné gentilhomme a emballé la fille dans l’image du dessus », explique-t-il au lecteur. Au final, l’ensemble a l’allure d’une joyeuse improvisation. Le bédéphile est d’abord dérouté, puis il cesse de questionner et se laisse glisser dans ce conte aux accents de Lewis Carroll et de Jules Verne, de Fred et de Marcel Gotlib.

Le dessin a la forme d’un crayonnage léger rehaussé d’aquarelle. Les planches sont généralement dominées par une couleur, souvent marron, jaune ou vert, avec de temps à autre des rouges et des bleus. Les personnages sont en phase avec la narration : physiques invraisemblables, expressions exagérées et gestuelles improbables. Enfin, il faut scruter chacune des cases pour noter, par exemple, les va-et-vient d’un escargot rappelant la coccinelle de la Rubrique-à-Brac.

Cette bande dessinée, éditée une première fois il y a une quinzaine d’années, est la toute première de Stéphane Heurteau (il s’agit de l’intégrale d'Itinérêve d’un gentilhomme d’infortune, une chronique en trois tomes publiée par Le Cycliste en 2001 et 2002). L’observateur a l’impression que l’auteur s’est alors montré empressé de tout dire, de tout montrer et de tout démontrer, quitte à ce que le résultat soit vaguement chaotique. Mais peu importe puisque l’album est riche et d'une agréable lecture.

Moyenne des chroniqueurs
7.0