Mandela et le général

U n soir de 1964, Constand profite d'une permission pour rejoindre la ferme familiale au Cap. C'est aussi l'occasion de fêter une autre bonne nouvelle : l'emprisonnement à vie du terroriste Mandela. Car il est évident que les individus de couleur sont nés pour servir la nation blanche or, celui-ci défend et encourage leur émancipation. Pourtant, en décembre 1993, les deux hommes se rencontrent pour un tête à-tête qui a marqué un tournant dans l'histoire de l'Afrique du Sud. L'un a passé vingt-sept ans en prison, l'autre est un militaire ayant fini sa carrière à la tête des milices d’extrême-droite. Nelson Mandela versus Constand Viljoen : pas une lutte, ni même un duel, mais un échange, une construction voire même, une séduction. Voici comment tout a commencé.

John Carlin, auteur du Sourire de Mandela et de l'ouvrage à l'origine du film Invictus, s'est basé sur ses entretiens privés avec «Madiba» et une conversation avec le général sur une plage du Cap plusieurs années après les événements décrits pour construire son récit. Il alterne ainsi événements connus et fiction, s'attachant avec habileté à exposer l'évolution de la situation en révélant les rouages des âmes et la logique du cœur. Il démontre également l'influence tenace de l'entourage et de l'éducation sur la construction et le conditionnement d'un être, mais rien que la subtilité et la sagesse ne puissent en venir à bout. Mandela apparait peu finalement. Cependant, son charisme humble et son discernement s'imposent naturellement, exacerbant le courage de son adversaire d'aller à l'encontre de ses partisans et suivre son instinct afin d'éviter la guerre civile et créer un nouvel ordre politique nécessaire.

Oriol Malet, illustrateur catalan, offre un graphisme en noir et blanc relativement original, rehaussé simplement de jaune et de bleu-gris. À la fois réaliste, impulsif et enlevé pour accentuer l'intensité de certaines scènes, il s'en dégage beaucoup d'expressivité. L'ensemble allie de cette façon esthétisme et efficacité.

Patience et diplomatie font plus que force ni que rage. Cette interprétation en bande dessinée illustre de manière très juste et remarquable une rencontre discrète et déterminante qui a débouché, grâce au pouvoir des mots et de l'écoute, sur une leçon d'humanité incontestable.

Moyenne des chroniqueurs
7.0