Churchill et Moi Churchill et moi

F in du XIXe siècle, Clementine Harper a le béguin pour son voisin, Winston Churchill. Tous deux ont une vingtaine d’années. Romantique, elle se montre prête à tout pour gagner le cœur de celui qui est promis à de belles carrières militaire et politique. Dans un monde où les seules options professionnelles qui lui sont offertes sont la cuisine, le ménage et le changement des couches, elle tente d’attirer son attention en s’illustrant dans un domaine jusque là réservé au sexe fort, celui du journalisme. Parmi ses faits d’armes : elle se fait interner dans un asile psychiatrique pour témoigner des mauvais traitements dont sont victimes les patients, puis est nommée correspondante de guerre en Afrique du Sud. De temps à autre, son destin croise celui du futur premier ministre.

C’est par le petit bout de la lorgnette que Frank Giroud présente les balbutiements du mouvement féministe britannique. Un combat qui n’appartient pas uniquement à l’héroïne, mais également à sa tante Eleonore, laquelle a choisi de ne pas dépendre d’un mari, à son père qui l’encourage et la soutient, sans oublier les rédacteurs en chef de journaux ; d’abord réticents, ces derniers finissent par lui confier la plume. Sa démarche a évidemment ses opposants, par exemple sa mère toujours prompte à lui reprocher ses choix non orthodoxes et les concierges qui refusent de lui louer un appartement si elle n’a pas la permission de son époux ou celle de son parent. Au final, et c’est pourquoi le scénario est fascinant, le bédéphile ne sait trop si la journaliste a fait tout cela pour elle, pour les femmes… ou pour obtenir l’affection de l’homme d’État en devenir.

Avec son dessin réaliste, Andrea Cucchi réussit de jolie façon ses débuts en bande dessinée. Servies par un trait élégant, ses illustrations sont particulièrement variées : gros plans, plans d’ensemble, plongées, contre-plongées, éléments sortants du cadre, etc. Tout cela sans étourdir le lecteur et sans interférer avec la fluidité de la narration. Parmi les bémols, certains visages, notamment celui de l’actrice principale, qui manquent parfois de naturel. Enfin, Elvire de Cock propose une mise en couleurs tout en retenue ; la coloriste adopte en effet des teintes sobres pour donner au projet l’allure d’un vieil album de photos.

Un récit intéressant inscrit dans une société qui s’apprête à prendre un virage majeur. Une histoire dans laquelle Winston Churchill est finalement accessoire, même si le livre porte son nom.

Moyenne des chroniqueurs
7.0