We Stand On Guard De foi trempée

E n 1930, les Étasuniens ont établi un plan pour annexer le Canada. Sait-on jamais. Le pays à la feuille d’érable étant docile, la stratégie demeure dans les tiroirs. En 2112, les changements climatiques ont cependant modifié la donne. Les enfants de l’oncle Sam ont soif et il y a beaucoup d’eau au nord. Pragmatiques, ils prennent les moyens nécessaires pour s’approprier le précieux liquide. Une douzaine d’années plus tard, la résistance continue de combattre l’envahisseur avec ses faibles ressources.

L’Américain Brian K. Vaughan et le Canadien Steve Skroce ont fait leurs devoirs. Leur ouvrage semble d’ailleurs commandité par le ministère des Valeurs canadiennes. Tous les clichés sont au rendez-vous : neige, vastes espaces, Canadian Tire (une chaine de quincailleries), Tim Horton (beignets), hockey sur glace, culture amérindienne, système métrique, sans oublier Superman (une idée d’un jeune Torontois). Un peu comme si les scénaristes avaient voulu s’assurer que tous les lecteurs avalisent que les deux nations affichent suffisamment de différences pour que l’un puisse envahir l’autre. Puis il y a une rectitude politique peu subtile. Par exemple, parmi les personnages, un noir francophone (il s’exprime par moment dans la langue de Félix Leclerc… et tout le monde le comprend), un homosexuel à l’allure de bûcheron, un Amérindien et une femme dont les parents ont immigré de Syrie pour offrir une meilleure vie à leur progéniture.

Au-delà de ces irritants mineurs, ou simplement naïfs, la trame n’est pas inintéressante. Il est en effet tout à fait plausible que l’or bleu attise un jour les convoitises et que les héritiers de Donald Trump fassent main basse sur les lacs et les rivières de leur voisin du dessus. Cela dit, le scénario ne se révèle pas à la hauteur des attentes. Il y a un air de déjà vu dans cette histoire de rebelles qui tiennent tête à un ennemi cent fois plus fort qu’eux (certains véhicules de patrouille rappellent du reste ceux des forces de l’Empire dans Star Wars). Le rythme est lent, tellement que le bédéphile est convaincu qu’il s’engage dans une longue saga, puis d’un coup les choses basculent et l’anecdote se conclut de façon péremptoire ou du moins précipitée.

Le dessin réaliste de Steve Skroce répond au cahier des charges. Tant son évocation du Grand Nord que sa représentation des engins de guerre futuristes se montrent convaincantes. Ses acteurs sont crédibles (malgré une certaine raideur) et la construction des planches habilement variée.

Une curiosité. Un album qui plaira certainement au premier ministre Justin Trudeau.

Moyenne des chroniqueurs
6.5