Inversion (Chabert/ Gaillard) Inversion

R ien ne va plus pour Paul depuis qu’il s’est fait larguer par Clara. Il dort, avale des tonnes de médicaments et c’est à peu près tout. Mais voilà que le vent tourne. Le jour de son anniversaire, ses copains passent le voir, un client louange son travail, sans oublier la jolie Nina qui lui porte un intérêt certain. Bref, la lumière brille au bout du tunnel, à un détail prés : le dépressif demeure le seul à se souvenir de tout cela. Et si ses rêveries étaient mieux que sa vie?

L’idée des scénaristes Sylvie Gaillard et Frank Woodbridge est fascinante et le traitement qu’ils en font est mignon comme tout. L’histoire est bien racontée et ancrée dans son époque. Le tandem arrive par ailleurs à relever le défi d’assurer la fluidité des transitions entre le monde tangible et celui des phantasmes. L’écriture s’avère très belle, peut-être un peu trop littéraire pour ce type d’entreprise. Noyé par sa douleur, il apparaît assez peu crédible que l’écorché formule ainsi ses pensées : « Je décidai d’aller courir pour évacuer l’inertie, chasser l’apathie… ». Aussi, il est peu utile d’expliquer que le protagoniste salue sa concierge, le dessiner suffit amplement.

Les illustrations d’Alexis Chabert, nerveuses et hésitantes, sont réussies. Les décors se révèlent généralement remplis, que ce soit les toits de Paris ou l’intérieur de l’appartement dans lequel règne un indescriptible chaos. Les cases sont très grandes, le bédéphile en compte à peine plus de quatre ou cinq par planche, souvent moins. Fait intéressant, la mise en couleur de Renaud Angles s’affirme comme une constituante essentielle de la narration. Les passages du rêve à la réalité et de la réalité au rêve sont rendus limpides par un jeu de teintes ; alors que le réel est suggéré par un bleu froid, les songes sont évoqués par des orangés beaucoup plus chauds.

Une gentille bluette. Certains font le parallèle avec les albums de Jim (Une nuit à Rome, L’érection) et ils ont raison.

Moyenne des chroniqueurs
6.0