Espace Vital 3. Volume 3

L e tome 2 d’Espace vital s’achevait sur la disparition évanescente de Nathan Asselberg, happé par une lumière blanche que le lecteur pouvait interpréter de multiples façons. Il ne restait que lui des six personnages enfermés dans un château mystérieux, bloqués par un champ de force et mus par un besoin de survivre qui les aura poussés à s’entretuer. Questions sans réponse, morts violentes, retours en arrière fragmentés et voies sans issue ont ponctué les épisodes précédents.

Le troisième s’ouvre sur l’enfance de Nathan et déroule méthodiquement et chronologiquement la vie de celui-ci. Accélérations et focus mettent en scène le personnage méprisé par son frère aîné, qui mourra en héros sur une plage de Normandie en juin 1944. Le récit s’attarde sur la découverte de son homosexualité, son rejet de sa famille, du métier et de l’avenir qu’on lui préparait. Les événements se précipitent avec sa fuite à Atlantic City, initiée par son compagnon Tony, puis la drogue, la prostitution, la désintoxication, le déménagement à Miami, d’autres rencontres, d’autres drames et des réconciliations.

Ce chapitre final présente un point de vue et une narration totalement différents des deux premiers et pourtant en totale cohérence avec ceux-ci. Laurent-Frédéric Bollée (Apocalypse Mania, Speedway, Terra Australis) bouscule le lecteur. À l’interrogation succède l’exposition, l’éclatement est remplacé par la linéarité. Le voile se lève sur les incertitudes, les morceaux s’assemblent, le puzzle prend forme et le chaos narratif prend tout son sens. Ce parti-pris consistant à multiplier, de prime abord, les faisceaux de questions et de consacrer le dernier tiers de l’histoire à la mise en place est risqué. Parce qu’il ne faut pas perdre le fil. Parce que changer de mode narratif peut déplaire. Néanmoins, ce pari osé est réussi. La preuve ? L’envie de relire l'ensemble pour renforcer l’effort de reconstitution et saisir les subtilités.

La dimension graphique est à l’avenant. Le dessin de Fabrice Meddour (Hispañola, Le Temps des cendres) n’épouse plus l’esthétique du huis clos, des plans serrés ou des portraits. Il explose en utilisant tous les cadrages possibles et imaginables, en travaillant davantage les décors, en libérant l’imaginaire centré sur une vision de l’Amérique de la seconde moitié du 20è siècle. La mise en couleur de Stéphane Paitreau est à nouveau impeccable, nuancée et élégante.

Au final, la conclusion d’Espace vital tient ses promesses, même s’il était difficile de savoir de quoi elles étaient faites. Il en sort une très belle parabole des histoires de vie, des choix faits par les individus, de ce qui nourrit une identité et qui constitue la condition humaine.

Moyenne des chroniqueurs
7.5