Arale

1934 en Russie. Raspoutine, conseiller spécial du Tsar doit faire face à l'assassinat de ce dernier. Encore... Depuis dix-sept ans et la victoire face aux révolutionnaires, le pays est en proie à une guerre qui tue chaque jour un peu plus et le peuple ne demandait pas plus que la perte de leur leader pour s'embraser. L'homme politique, guérisseur et technophile va devoir déployer tous ses dons pour maintenir l'empire sous son joug. À moins que...

L'uchronie est un genre qui plaît au public autant qu'aux éditeurs (Jour J pour Delcourt, Uchronie(s) chez Glénat ou encore les Block 109 chez Akileos) et Arale n'a pas à souffrir de la comparaison. Alliant magie noire, révolution russe, manigances politiques et conflit armé sur fond de nationalisme, Tristan Roulot propose un menu copieux Pourtant, le scénariste de Irons allie avec un savoir-faire indéniable ces éléments hétéroclites pour servir une histoire prenante et enlevée. Certes, certains personnages, enfin leurs caractérisations, apparaissent au passage un peu faciles (Raspoutine) ou à peine effleurées (sergent Saskia) mais sans pour autant nuire à l'ensemble. À partir d'un fond historique fréquemment exploré en littérature, l'auteur n'hésite pas à créer une réalité alternative, notamment via des éléments fantastiques tendance steampunk, dans un monde dense et sombre qui fait saliver. Le suspense va crescendo, l'enchaînement des rebondissements et des révélations fluide mais la pagination et les ellipses qu'elle entraîne laisse un léger goût de trop peu pour convaincre totalement. À se demander ce que l'intrigue aurait pu donner avec plus de soixante-deux planches.

D'autant plus que ce monde est mis en images avec un talent flagrant par le tandem Denis Rodier - Bruno Tatti. Le trait du premier est d'une précision chirurgicale ; tant sur les visages aux expressions variées, que pour les décors et des costumes, détaillés. Le soin qu'il apporte à son encrage rend son dessin réaliste pleinement convaincant. Cette prestation est parfaitement mise en valeur par la colorisation du second (Clémentine Guivarch' est aussi créditée). Teintes pastelles ou tons rougeoyants, chaque scène est habillée d'une ambiance particulière et l'atmosphère identifiable au premier coup d'œil.

Arale est donc une fiction historico-fantasique réussie qui se dévore d'une traite. Son véritable défaut, s'il faut en citer un, réside dans cette sensation de trop peu qui saisit le lecteur lorsque arrive le mot « fin ».

Moyenne des chroniqueurs
6.0