Gagner la guerre 1. Ciudalia

U n homme va mourir ce soir. Oui, et alors ? Il faut bien gagner sa vie ! Benvenuto Gesufal règne sur les bas-fonds de Ciudala en toute impunité. Il a ajusté ses compétences d'ancien phalangiste de la République à celles de tueur à gages, moins reluisant il faut bien l'avouer , plus juteux néanmoins :-quitte à estourbir, autant que ça rapporte ! Le drôle a la verve du bonimenteur, la fourberie dans le sang et loin d'avoir la gueule au coin de rue, en revanche, celui qui veut la lui faire à l'envers risque de se retrouver la queue entre les jambes. Mais attention, Benvenuto, à t'embarquer sans biscuit, ta prochaine victime au masque de renard se révélera peut-être plus rusée. Dans les coulisses, un vieux loup aux dents longues s'impatiente. Feintes et flatteries suffiront-elles ?

Ayant remisé les sabres de Samurai , Frédéric Genêt fait danser l'arbalète et l'épée dans cette nouvelle série qui lui tient à cœur, adaptée de la très appréciée saga de Jean-Philippe Jaworski, Gagner la guerre (prix Imaginales 2009). Plus précisément, ce tome initial en expose la préquelle Mauvaise donne, paru dans le recueil Janua Vera.

Voici le début d'une fresque imaginaire colorée et particulièrement éveillée qui mêle manigances politiques, sorcellerie et aventures de gredin grivois. Étiquetée «low fantasy», elle se distingue donc par un socle historique réaliste, panaché d'un trait de fantastique. L'univers, par le fond et la forme, s'inspire de la Renaissance italienne et alterne deux époques consacrées au personnage principal, son passé en tant que spadassin et son destin dans la Guilde Des Chuchoteurs. Cette construction maintient le suspense en alerte jusqu'à la démonstration finale, à la manière d'une enquête. Le héros dispose de qualités douteuses et de défauts certains. Malgré cela ou plutôt, grâce à cela, il se révèle effrontément attachant. Pour faciliter la transposition du roman, le mode subjectif de la première personne a été changé en narration directe avec des dialogues efficaces, non dénués d'humour. Malgré des tenants complexes, le cheminement reste clair et les aboutissants, imparables.

Avec son encrage fin, l'artiste concrétise la ville de très belle manière, avec ses ruelles tortueuses, ses hautes tours et ses coupoles scintillantes. Le décorum est léché, de l'architecture aux costumes. Le même soin est apporté aux expressions des acteurs : gueules d'amour, têtes de vainqueur et faciès de requin, sans oublier le joli déhanché des filles. Tout ce petit monde s'expose, prends corps et s'agite, le dynamisme des scènes d'action succédant aux panoramas laisse l'esprit s'évader.

Du fait du succès de l'oeuvre originale, les auteurs avaient fort à faire. Ils relèvent le défi avec brio dans cette introduction réjouissante qui pose des bases solides et prometteuses d'un rôle de salaud gentilhomme à l'italienne.

Moyenne des chroniqueurs
7.0