Strip-tease (Subiaco) Strip-tease

« J’ai donc voulu aller vers l’hyper féminité, pour retrouver cette partie de moi-même… et j’ai choisi à juste titre le strip-tease… »

Lorsqu’elle surprend son copain au lit avec une amante, Camille met illico à la porte celui qui se comporte comme un gigolo. Qualifiée de cageot, la jeune architecte a toujours eu l’impression de devoir dissimuler son physique. En réaction à ses déconvenues sentimentales, elle démissionne de son emploi et décide de travailler aux Nuits tigrées, un bar d’effeuilleuses. Elle y côtoie Judith, cougar et juge d’instruction, Amanda, qui carbure à la cocaïne, et quelques autres consœurs. Rapidement, elle comprend que cet univers n’en est pas un de martyres. Elle découvre plutôt des personnes impatientes de dévoiler leurs attributs, en contrôle de leur vie et fières d’avoir un ascendant sur les spectateurs.

Dans cette première bande dessinée Emma Subiaco explore un milieu mystérieux. Loin d’en faire le procès, elle dénonce les préjugés dont sont victimes ces artistes. En fait, elle les présente comme des féministes, des affranchies maîtresses de leur corps, de leur pouvoir de séduction et de leur destin. Jusque là, ça va. La thèse s’avère cependant plus audacieuse lorsque la scénariste assimile affirmation et érotisation. Le nec plus ultra de la féminitude est-il vraiment de danser dévêtue pour exciter les hommes ? L’hyper féminité, qui se confond ici avec l’hypersexualisation, est-elle réellement une victoire ? Est-il essentiel de se dénuder pour s’affirmer ? A-t-elle raison lorsqu'elle prétend : « Il est temps d'arrêter d'accepter les seconds rôles et de mettre ses nibards sur la table. » ?

En rupture avec son propos, l’autrice, qui réalise également les illustrations, ne cherche pas à traduire la beauté des femmes en les dessinant superbes (comme le fait Ana Miralès dans Djinn, dont le sujet est similaire). Son travail, brouillon et nerveux, rappelle jusqu’à un certain point celui de Daniel Casanave. Les actrices sont jolies, mais sans plus. Cela dit, une énergie se dégage de son coup de pinceau et il y a une belle élégance dans la représentation des danseuses ou encore de certains décors, notamment les arbres et certains bâtiments.

Une première incursion dans le neuvième Art en forme de pamphlet. Le récit est d’ailleurs suivi d’une longue postface où l’essayiste précise ses objectifs et explique son point de vue.

Moyenne des chroniqueurs
6.0