Rat et les animaux moches

A llez hop, du balai ! Rat «dégout-é» est chassé de la maison qu'il occupait depuis belle lurette. Baluchon noué au bout de la queue, il part en quête d'un nouveau logis. Mais, chats, tapettes à souris, et graines empoisonnées l'attendent sur un chemin parsemé d'embûches. Personne ne daigne lui ouvrir sa porte jusqu'au jour où il arrive dans un endroit où se sont regroupés une foule d'animaux tristes parce que hideux et d'aucune utilité. À l'entrée de ce lieu-dit, une pancarte branlante indique : «village des animaux moches qui font un petit peu peur» ! Bien que Rat y ait sa place, il est déterminé à se rebrousser les poils des pattes pour redonner espoir et joie de vivre à ses congénères. Pour ça, il a son idée.

«Sans rat, ni Dieu, L'homme serait radieux» (Franck Dhumes).

Alchimie entre le livre et la bande dessinée, cet ouvrage de Sibylline et Jérôme d'Aviau (Trop Grand Vide d'Alphonse Tabouret) offre une histoire pleine de tendresse et de poésie autour d'un bestiaire peu gâté par Dame nature, mais ô combien attachante, et présente une réelle réflexion sur les raisons d'exister du bousier, de la lamproie et de leurs homologues aux physiques tout autant répugnants. L'absence surprenante de bulles et de cases proprement découpées, le lettrage sous les illustrations à l'aide d'avatars symbolisant les prises de parole, et l'accès possible à la version audio renforcent cette agréable impression de s'engouffrer délicatement dans un conte. Le dessin très soigné tout en noir et blanc, regorge de détails croustillant et humoristiques telles les représentations d'objets à l'abandon squattés par ces résidents (évils), les gueules très expressives, à l'image de l'araignée déprimée ou encore celle du piranha coincé dans son bocal et se déplaçant à bord d'un vieux landau.

Même s'il aurait mérité une conclusion moins abrupte, le récit de ce rongeur atypique qui ne dépareillerait pas une collection jeunesse, saura convaincre toutes les tranches d'âge et enchantera son lectorat dans une fable «RATvissante» !

Moyenne des chroniqueurs
7.5