Ploutocratie Ploutocratie, chronique d'un monopole…

E n 2051, la General Things Corporation et la Global Business & Cia fusionnent. Il ne reste alors plus qu’une entreprise, laquelle s’approprie tout naturellement le rôle d’administration mondiale. Un homme pourra, par exemple, y occuper la fonction de ministre de l’Éducation et administrateur général des Fabricants de jouets réunis. Ce système est néanmoins démocratique, tous y ont droit de vote… au prorata du nombre de parts détenues. Lorsque Homero, las de son emploi d’inspecteur, a l’idée de mener une enquête journalistique sur cette ploutocratie, l’accueil des dirigeants s’avère étonnamment enthousiaste. Le documentaire aura du succès, il réalisera des profits et c’est la seule chose qui importe. Toutes les portes lui étant ouvertes, il a accès aux archives et obtient même une entrevue avec le président.

Le récit d’Abraham Martinez se révèle fascinant. L’action se déroulant dans un futur proche, le lecteur trouve aisément ses points de repère : les aires de travail, l’architecture, les véhicules et les tenues vestimentaires sont similaires à ceux de notre époque. Traditionnellement ces sociétés sont despotiques (1984, Fahrenheit 451, La servante écarlate) ou en apparence idylliques (Le meilleur des mondes, Un bonheur insoutenable). Celui de l’espagnol se veut réaliste : les politiciens se montrent bienveillants et le gouvernement fonctionne. Tous les maux du XXIe siècle n’ont pas été résolus, mais dans l’ensemble les gens sont heureux dans un univers totalitaire, mais gentil. Constitué de l’icône du bouton « Power » des ordinateurs amalgamé au marteau et à la faux, le logo du conglomérat résume bien l’esprit du livre.

Le dessin emprunte d’ailleurs à l’imagerie classique des anciens pays du bloc de l’est. L’illustrateur dépeint une organisation droite, rangée et carrée. Dans cette civilisation caractérisée par la sobriété, il n’y a pas de place pour la fantaisie, les détritus ou les graffitis, même les clodos savent se tenir. Les personnages affichent pour la plupart un air inexpressif, un peu comme si cette vie les avait vidés de leur substance. La mise en couleur, très sobre, est portée par des teintes foncées (surtout du vert) posées en aplat. La plupart des planches sont découpées à l’identique : trois bandes comptant chacune deux vignettes, une rigueur évoquant la disposition de la mégalopole qui accueille la fable.

Abraham Martinez réussit de belle façon son entrée dans le neuvième en proposant un scénario solide supporté par des illustrations qui, quoique plus ou moins séduisantes, sont en adéquation parfaite avec le propos.

Moyenne des chroniqueurs
8.0