Le pouvoir de la satire 1. Le pouvoir de la satire

L e 7 janvier 2015, la presse satirique a été violemment prise d’assaut. Du coup, toute la France, voire le monde entier, est devenue Charlie. En fait, il semble que le pays d’Emmanuel Macron l’est depuis la Révolution. C’est du moins l’opinion de Fabrice Erre, lequel démontre que depuis deux-cent-cinquante ans le journalisme caricatural s’est imposé dans la vie politique hexagonale. De L’Acte des apôtres qui combattait les idées révolutionnaires à Charlie, en passant par La Baïonnette et Le Canard enchaîné, il y a un fil conducteur liant des publications de gauche et de droite, monarchistes et républicaines, anarchistes et nationalistes. En tentant de museler les polémistes, Daesh n’a rien inventé ; un des interlocuteurs affirme d’ailleurs : « Mille fois ces journaux ont dû faire face aux menaces de l’inquisition, aux procès en légitimité. »

Bédéiste, enseignant d’histoire et rédacteur d’une thèse de doctorat sur ce sujet, l’auteur d’Une année au lycée a le curriculum vitæ parfait pour mener l’enquête. Avec un mélange d’humour et d’érudition, il rappelle la genèse des médias sarcastiques, puis répond aux arguments de ses détracteurs qui lui reprochent de se moquer du sacré, d’adopter un discours violent ou encore de se montrer grossier. L’exercice permet d’expliquer de façon convaincante que la satire est nécessaire et que le droit à l’exercer demeure essentiel à la démocratie. Le propos est pointu et pourrait être lourd, mais ce n'est jamais le cas ; le scénariste parvient en effet à injecter une bonne dose de rire dans une entreprise inspirée par un point de départ des plus tragiques.

Fabrice Erre et Terreur graphique se sont partagés les illustrations. Le trait de l’un et de l’autre s’avère aisément reconnaissable. Le pédagogue prend essentiellement en charge les interprètes principaux ; son confrère illustre de son côté la plupart des autres acteurs et pastiche des documents ou des personnages d’époque. Au final, l’ensemble a l’allure d’un collage rassemblant quelques siècles de dessins farfelus.

L’album a été pré-publié dans La Revue dessinée et ça se sent. Le lecteur y découvre en effet une démarche journalistique rigoureuse et une structure solide, le tout enrobé d’un ton bon enfant.

Moyenne des chroniqueurs
6.0