12 heures plus tard - Le Matin des morts-vivants 12 heures plus tard - Le matin…

C ’est un euphémisme que de dire que Zerocalcare est attaché à Rebibbia, une banlieue populaire de Rome, surtout connue pour héberger une prison. S’en éloigner ne serait-ce que pour quelques jours relève de la torture. Mais lorsque les rues sont envahies par les zombies, il doit entendre raison. Avec ses compagnons d’infortune, Katja, Secco et Sanglier, il est invité à se joindre à un groupe de survivants, lequel a élaboré un plan pour fuir à bord d’un autobus. Mais on n’échappe pas à son destin et il semble bien que celui du héros soit de demeurer dans son quartier natal.

La finalité des récits d’anticipation est généralement de porter un regard oblique sur la société et celui-ci ne fait pas exception à la règle. Parmi les thèmes abordés dans ce livre, se trouvent la peur de l’immigration, l’embourgeoisement des arrondissements ouvriers, la culture des geeks vivant en marge du monde et, de façon générale, la nostalgie et la résistance au changement. En cela, cette première fiction s’intègre parfaitement dans la démarche de l’auteur de Kobane Calling et Oublie mon nom qui appartiennent pourtant à des genres littéraires bien différents, le reportage et la biographie. Le propos se révèle toutefois plus intéressant que l’anecdote qui, dans son essence, ne se distingue pas vraiment de Walking Dead ou de La Nuit des morts-vivants. Du reste, une conclusion abrupte laisse le bédéphile perplexe.

Le texte est joyeusement servi par la traduction de Brune Sepan. Au hasard des pages, l’intrigue est émaillée de répliques savoureuses telles « Il était lent comme un artichaut bouilli », « Je me sens si sale… c’est comme avoir un poster de One direction » ou encore « Le dénouement d’un conflit est toujours déterminé par le degré de bisounerie des deux factions ». Le passage d’une langue à l’autre est cependant parfois erratique, par exemple lorsque les acteurs se moquent de Michel Sardou et de Francis Cabrel, des repères culturels franco-français, alors que l’histoire a pour cadre la capitale italienne.

Les péripéties se déroulent en deux temps, le présent (noir et blanc) et un passé très récent (couleur), en plus d’être ponctuellement interrompues par les confessions d’un gangster (bichromie noir et bleu) et les réflexions du protagoniste sur son patelin (papier crème). Cette structure pourrait s’avérer complexe, mais le jeu des teintes assure la fluidité de l’ensemble. Le dessin est caricatural et expressif, l’amateur y découvrira des influences de Lewis Trondheim et de Boulet (et pourquoi pas de Marcel Gotlib) qui se donneraient des airs de mangas. Le découpage est à l’avenant : dynamique et jamais répétitif. Enfin, les vignettes sont fréquemment de travers, comme si elles étaient maladroitement déposées sur la planche pour créer un effet de déséquilibre.

Le cheminement de Zérocalcare est singulier. Qu’il enquête chez les Kurdes, pleure sa grand-mère ou lutte contre les morts-vivants, il ne parle finalement que de lui, poursuivant ainsi une aventure autofictive plutôt originale.

Moyenne des chroniqueurs
7.0