Imastu

U lrica, une fillette visiblement en état de choc, a été placée dans une institution spécialisée après une tragédie. L’endroit est sévère, gris et morne. Seule avec elle-même, elle attend et regarde vers l’horizon en gardant ses colères à l’intérieur.

Pour son premier album, Jérémie Horviller propose une fable triste à hauteur d’enfant. Muet, rempli d’un symbolisme de tous les instants, le scénario plonge le lecteur dans le quotidien d’Ulrica. Plutôt que de documenter cette situation inquiétante et méconnue comme l’avaient fait Dav Guedin et Craoman dans Bray-Dunes 99, l’auteur a choisi d’explorer la psyché même de la jeune fille. Un univers rempli de formes, d’impressions, de peurs et, très rarement, de quelques bribes de souvenirs d’un avant fantasmé et hypothétique. Une maman, un papa, une famille entière qui a disparu après une catastrophe incompréhensible pour cette gamine à peine sortie de l’enfance. Loin d’uniquement se focaliser sur son sujet central, la narration reste très ouverte et laisse la place à toutes les interprétations (conte sur l’innocence perdue, rite de passage halluciné, etc.).

Pour peupler ces songes mélancoliques, le dessinateur manie un noir et blanc sans compromission rappelant la linogravure par moments. Il a également semé de nombreux rappels, sous forme de clins d’œil, à différents artistes du passé : Van Gogh, Diane Arbus, Hokuzai, Otto Dix et, presque logiquement vu les tourments de l’héroïne, Edvard Munch. L’étrange atmosphère mêlant réalité et imaginaire qui en résulte s’avère des plus réussies. Par contre, pour bien apprécier cet imbroglio mental, il est nécessaire et même indispensable de prendre son temps en abordant l’album. Tout ne va pas de soi pour celui qui ose s’aventurer dans les replis l'âme.

Angoissant, mais touchant, Imastu est exigeant et globalement maîtrisé. Jérémie Horviller réalise là une excellente entrée en matière dans le monde du 9e art.

Moyenne des chroniqueurs
6.0