Rio (Wildey) 1. Les bouchers

E ndsville, Wyoming, est en pleine croissance économique. Mines, routes, bétail et chemin de fer la font prospérer. La bourgade appartient en grande partie à Dorsey, homme d’affaires peu scrupuleux. Il affrète des sportin’ specials, trains spéciaux à bord desquels les voyageurs peuvent cartonner les bisons qui paissent à proximité des rails. Il est associé à Groot, une brute épaisse, qui vient récupérer les fourrures. Des milices empêchent les indiens de prendre la viande. Mais chez les Peaux-Rouges affamés le mécontentement gronde. Une autre guerre est imminente. Alors, le Président Grant dépêche sa nouvelle recrue, Rio, un ancien pistolero repenti, qui échange ses services contre une amnistie.

Les Éditions Fordis éditent pour la première fois en France cette mini-série prévue en quatre volumes, parue initialement aux États-Unis dans le magazine Eclipse Monthly, entre 1983 et 1992. Doug Wildey (1922 – 1994), autodidacte notoire, a été producteur de cinéma, a travaillé pour la télévision (notamment pour les fameux studios Hanna-Barbera) et a produit pléthore de bandes dessinées, dont Outlaw Kid (1954 – 1957) a été son plus grand succès. Les planches originales ont été restaurées et nettoyées pour permettre au public francophone de découvrir les aventures de ce chasseur de prime sur la voie de la rédemption.

Rio reprend tous les codes qui structurent le western : intrigues politico-économiques, sbires patibulaires, héros solitaire, poursuite à dans les grands espaces, duels dans la main street. Les protagonistes sont animés par la vengeance, la justice ou la colère. Mais il y a dans Rio une dimension supplémentaire : le contexte historique, c’est-à-dire une expansion du nouveau monde blanc aux détriments de celui des autochtones ou au mépris du voisin mexicain. À travers le sadique Parrish, Wildey dénonce un pays où les lois ne sont pas assises car le dollar est déjà la valeur suprême. Avec le colonel Elgin, officier de la cavalerie pétri de suprématisme blanc, se prenant pour Bonaparte, l’auteur aborde la mauvaise conscience américaine de manière brutale et démonstrative.

L’album est construit sur une intrigue solide et un scénario fluide. Le dessin et la colorisation de Wildey, sous une allure académique (voir démodé avec les hachures typiques des comics de l’âge d’or), font preuve d’une réelle originalité. Pour une même planche, l’artiste utilise aussi bien l’acrylique, l’huile, le crayon et le marqueur. Les textures cohabitent et se mélangent, créant des effets inédits, des gueules marquées, des paysages superbes et une atmosphère prenante. Des contrées enneigées aux étendues désertiques écrasées de soleil, l’aventure avance dans un environnement toujours hostile, ramenant l’être humain à ses faiblesses ou à sa vacuité.

Saluons l’initiative consistant à exhumer cette fabuleuse série. Les amateurs de Blueberry, Comanche, Durango ou Bouncer y trouveront immanquablement leur compte. Les aficionados du western spaghetti retrouveront la dramaturgie qui a donné au genre ses lettres de noblesse. Cette entrée en matière est une véritable réussite.

Moyenne des chroniqueurs
8.0