Le suaire 1. Lirey 1357

E n cet hiver 1357, le royaume de France voit poindre un péril plus grand que les morsures du froid : la peste. Mais si les corps sont mis à mal, les âmes le sont tout autant et les Flagellants font vaciller une Église qui se perd. Dans cette tourmente, chacun tente de donner un sens à sa vie...

Gérard Mordillat et Jérôme Prieur s’intéressent depuis longtemps à la question religieuse que ce soit avec Corpus Christi diffusé sur Arte ou de nombreux essais publiés aux éditions du Seuil. Après avoir pensé en faire un film, les voici qui parcourent les arcanes du Neuvième Art non pas pour s’attarder sur Jésus Christ, mais sur les traces qu’il a laissées ici-bas, du moins celles que d’aucuns voudraient lui attribuer. Prenant comme fil rouge l’énigmatique suaire de Lirey, les auteurs s’attachent non pas au berger, mais à ses brebis avec un triangle amoureux qu’ils projetteront, le temps de trois albums, à travers l’espace et le temps que ce soit en Champagne en 1357, dans le piémont italien au XIXe siècle ou dans la Sierra Nevada espagnole deux cents ans plus tard !

Avec ce premier tome, les scénaristes dépeignent une population qui a faim et grelotte tandis que les édiles de tous ordres mangent gras et boivent sucré. Au milieu de cette déliquescence, deux hommes et une femme cherchent dans leur foi une échappatoire au plaisir charnel ou une solution aux affres qui les entourent. Avec eux se tisse une petite histoire qui marquera la grande pour les siècles des siècles ! Relevant de l’étude de mœurs plus que du récit d’aventure, Lirey 1357 possède, au travers des passions humaines qu'il explore, une dimension romanesque indéniable. Se faisant le récit laisse parfois douter de son sujet voire de sa finalité et cette ouverture devra être mis en perspective avec les opus qui la suivront. Si le scénario pêche par son rythme, ceci est largement compensé par le travail magistral d’Éric Libergé qui compose un camaïeu de gris avec le blanc de la virginale Lucie et la noirceur des âmes de ses contemporains. Tout en finesse et en intensité, sa prestation graphique concourt grandement à l’intérêt que l’on se doit de porter à ce triptyque.

Alors authentique relique ou subtil artefact ? La question apparaît finalement secondaire puisque ce qui importe semble devoir être la ferveur qui y est attachée…

Moyenne des chroniqueurs
6.7