L'homme gribouillé L'Homme gribouillé

C oincée entre sa mère Maud, une écrivaine célèbre et Clara, sa fille ado qui grandit, Betty Couvreur fait ce qu’elle peut. Entre le boulot, la maison et les exigences familiales, la vie amoureuse et le repos ne sont pas vraiment au programme. La situation ne s’améliore pas quand sa mère fait un AVC. Le même jour, un inconnu frappe à la porte alors que Clara est seule à l’appartement et exige un paquet qui lui serait dû. Paniquée par cet étrange individu au costume d’oiseau, la jeune fille réussit néanmoins à le faire fuir. Cela fait beaucoup à digérer et ce n’est pas fini ! En rangeant quelques papiers de Maud, les membres de la famille tombent sur des informations inquiétantes. Quel événement se cache-t-il donc dans le passé des «Couvreur» pour qu’autant de soin ait été pris pour le dissimuler ?

Serge Lehman et Frederik Peeters ont associé leur force et proposent avec L’homme gribouillé, un excellent polar mâtiné de fantastique. Une ambiance lourde et humide (le Paris tout ruisselant est extraordinaire !), une intrigue aux ramifications lointaines, mais très actuelles et une brochette de personnages marquants, le duo a largement pioché dans la boîte à outils du genre. Si le scénario reste très classique, la manière se révèle particulièrement inspirée. L’investigation initiale et la course aux indices est impeccable et, alors que le récit se transforme en thriller, le rythme devient littéralement insoutenable. Luxe enviable, la longue pagination (trois cents pages) a permis aux auteurs de prendre tout le temps nécessaire pour présenter et développer leurs idées jusqu’au bout.

Peeters profite également pleinement de cet espace et offre un festival de fluidité graphique. Son trait coule sur les pavés de la capitale qu’il dépeint avec la même aisance apparente d’un Jean-Claude Forest et une noirceur comparable à celle de Jacques Tardi. Mieux encore, il démontre une efficacité similaire au moment où l’action se translate en province, dans un hameau perdu du Jura plus précisément. Le final raconté en mode « Otomo » restera certainement dans les mémoires. La facilité avec laquelle, le dessinateur passe d’un univers à l’autre tout en gardant son style propre est impressionnante. Après l’intime, la SF, le western et le paranormal, le créateur des Pilules bleues témoigne une fois plus de l’étendue de son immense talent.

Par sa richesse thématique et sa profondeur psychologique, l’ouvrage ressemble plus à un roman de Fred Vargas ou de votre romancier nordique favori qu’à une enquête de Ric Hochet. Plus sérieusement, L’homme gribouillé est une franche réussite, autant sur le fond que la forme.