Zátopek

E mil Zátopek (1922 – 2000) est considéré à juste titre comme un des plus grands coureurs de fond de l’histoire de l’athlétisme. Son triplé inégalé (5000, 10000 mètres et marathon) réalisé au JO d’Helsinki en 1952 avait profondément marqué les esprits. Pour atteindre de tels résultats, il a développé tout au long de sa carrière de nombreuses techniques d’entraînement innovantes qui sont encore utilisées actuellement. Esprit libre dans un corps d’acier, il a aussi dû s’accommoder de la situation politique de son pays n’hésitant pas à tenir tête à un Parti Communiste tout puissant.

C’est à ce héros national que Jan Novák et Jaromir 99 se sont intéressés. Biographie appliquée au design soigné, Zátopek se concentre exclusivement sur la première moitié de l’existence du sportif. Sa naissance dans un monde d’avant la découverte de la pénicilline où la moindre infection pouvait se révéler fatale, le développement de sa passion – son obsession serait plus juste – pour la course à pied et les premières victoires. Cette plongée dans l’Europe Centrale de l'entre-deux-guerres se montre excellente. En quelques scènes bien choisies, le scénariste réussit à retranscrire l’atmosphère générale d’une époque tout en présentant un portrait convaincant d’un homme en devenir. La peur de la maladie, de l’échec, les efforts et les sacrifices nécessaires pour se surpasser ; ces éléments sont omniprésents et angoissants, alors que la ligne d’arrivée est à peine en vue.

Puis, hasard de la géopolitique, la mise sous tutelle du pays par l’URSS au sortir de la Deuxième Guerre mondiale vient changer la donne. Le sport devient raison d’Etat et les athlètes des moyens de propagande. Toujours à la poursuite du meilleur chrono, le Tchèque doit maintenant faire avec une machine gouvernementale peu encline à favoriser l’individualité. Heureusement, sa position de star médaillée lui donnera juste ce qu’il faut d’ascendant afin de concrétiser ses objectifs. Le côté humain n’est pas oublié pour autant. Par exemple, ses relations et son mariage avec Dana Zátopková sont remplis d’humour et d’espièglerie. Seul bémol, le choix de clôturer le roman à l’apogée de la carrière du coureur. Certes, la deuxième partie de sa vie sous le signe d'une déchéance imposée par le pouvoir était certainement moins palpitante à raconter. Cependant, celle-ci aurait offert un contre-champ intéressant à ce destin admirable.

Pour illustrer ces exploits, Jaromir 99 a intelligemment puisé son inspiration dans le creuset artistique tchèque : rendu façon xylogravure, un soupçon d’expressionnisme pour dépeindre la douleur, une bonne dose de réalisme socialiste quand le Rideau de Fer tombe, de nombreux emprunts aux affiches du mouvement olympique, etc. sont au programme. Parfaitement intégrées à la narration, ces influences donnent beaucoup de tenue et d’homogénéité à l’album. Mieux encore, le look vintage des silhouettes et la coupe impeccable de leurs habits apportent une ultime note élégante au récit de cette destinée marquée par le dépassement de soi.

Biopic riche en qualités et raconté avec un panache à la patine délicieuse, Zátopek devrait autant séduire les sportifs de bibliothèque que les amateurs de running extrême.

Moyenne des chroniqueurs
7.0