Elfes 19. L'Ermite de l'Ourann

S oixante ans ont passé mais l'âme de Cleeriis est toujours aussi lourde. D'un secret profondément enfoui est né un espoir fou, qui s'est cruellement transformé en une immense déception. La vieille dame se souvient : elle avait alors treize printemps, deux elfes blancs étaient venus de l'horizon lointain pour la trouver, elle, modeste pêcheuse de perles mais à la réputation solide de nageuse et de guide de l'île d'Ekrin. Un présage aurait relié la disparition de sa nourrice, l'érudite Nawel, au mythe concernant l'ancêtre originel des semi-elfes, ces membres bâtards mal considérés par les races pures. Reconnaissance pour les uns, outrage pour les autres, les révélations qui seraient portées au grand jour menaceraient l'équilibre bien-pensant du monde d'Arran.

Le scénariste Éric Corbeyran questionne et met à mal la morale dans cet épisode qui s'intéresse à l'origine des semi-elfes et par-delà, la thématique du métissage et du racisme. L'intrigue prends le temps de présenter les différents protagonistes et dévoiler les enjeux, s'ensuit un périple mouvementé empreint de suspicion et... un dénouement violent, à l'image d'un nœud gordien : tranché en plein suspense et bouclé en quelques pages. Les personnages auxquels le lecteur s'était attachés disparaissent sans plus de cérémonie et les autres jettent leurs masques prestement, en révélant leurs sombres desseins. Cette conclusion sévère surprend par sa brutalité et sa rapidité, faisant regretter une chute qui aurait gagné à être plus subtile.

La finesse du trait de Bojan Vukic (dessinateur du tome quatorze) accorde précision et détails qui, associés au cadrage et aux perspectives sans faute, engendrent une lecture agréable et fluide. Seuls quelques petits défauts d'expressions au niveau des visages entachent sa partition, somme toute, relativement honorable.

Avec un démarrage en mode diesel et une fin abrupte, L'ermite de l'Ourann souffre d'un déséquilibre de rythme qui, au vu du potentiel de base, laisse poindre un rien de frustration.

Moyenne des chroniqueurs
5.5