Servitude 5. Livre V - Shalin (Première partie)

S halin, perdue dans le désert, n’était pas sensée attirer autant de monde. Le refuge des renégats Drekkars et des anciens esclaves (cf. Livre II - Drekkars) vient d’accueillir l’ancien roi Akanor et les survivants de la bataille d’Al Astan (cf. Livre III - L'Adieu aux rois). Dans leurs pas, les troupes du roi Othar de Vériel veulent achever le travail. Celles-ci sont rejointes par l’armée Drekkar venue châtier les traîtres. La cité se prépare à un siège désespéré. L’ex monarque des Fils de la terre envoie des hommes vers Xenthès, son fief, pour y chercher des renforts avec peu d’espoir que les secours puissent être mobilisés à temps. De son côté, Sékal d’Aegor part à la rencontre des Riddraks, seule nation à avoir refusée le joug des Puissances. Celui qui tire les ficelles dans l’ombre depuis le départ se réjouit : la fin est proche, il va pouvoir retrouver son bien.

Depuis maintenant quatre tomes, Fabrice David et Eric Bourgier développent une fantasy d’une qualité rare. De trop nombreux auteurs se contentent de reprendre un canevas vu et revu, s’intéressant essentiellement à l’aspect martial. Ce n’est pas le cas avec Servitude. Déjà, les humains n’ont pas de pouvoirs surnaturels. Ensuite, les deux partenaires ont clairement décidé de ne pas tomber dans la facilité en cédant à l’attrait de l’action à tout prix. Depuis le commencement, ils osent le pari de prendre leur temps, de s’attacher aux détails. Au fur et à mesure que l’histoire avance, ils construisent un univers riche, le rendant ainsi crédible, ne négligeant aucun des éléments constitutifs des grandes sagas. Intrigues, surprises, antagonismes, soif du pouvoir, romances, amitiés, batailles se succèdent avec justesse. Enfin, s’il est bien question de la survie ou de la disparition de l’humanité, le déroulement de l’intrigue repose sur des personnages solidement définis.

Toutes ces composantes se retrouvent dans cet avant-dernier épisode. Le scénario ne déroge pas à ce qui a fait la force de cette série jusque-là. Il s’agit maintenant de rassembler les fils épars. Comme aux échecs, les coups précédents les plus anodins commencent à prendre sens. La trame finale se dévoile pas-à-pas. Une fois encore, ces grandes manœuvres ne se font pas au détriment des individus. Les figures marquantes déjà rencontrées sont présentes et vivent au sein de ce grand dessin. Bravoure, bravade, rancœur, noblesse, lâcheté et trahison animent tous les participants dans une cohérence propre à magnifier cette épopée. L’intérêt ne faiblit jamais, entretenu habilement par ces scènes a priori anodines sur l’instant mais sans doute lourdes de sens à l’avenir. Le graphisme aux tons sépia est toujours aussi classieux. Modèles d’esthétisme, de précision et d’efficacité, avec une mise en scène rigoureuse alliant sobriété et spectacle, les planches d’Éric Bourgier sont d’une grande lisibilité et permettent de se transporter dans cette contrée imaginaire.

Alors oui, cet album est frustrant car ne livrant aucune réponse. Toutefois, il est tellement bien construit et cohérent avec ce qui a précédé, qu’il en est admirable.

La chronique du Livre IV
La chronique du Livre II
La chronique du Livre I

Moyenne des chroniqueurs
7.8