L'esprit de Lewis 1. Acte I

E n ce triste matin de novembre 1898, le ciel lourd et gris ressemble au cœur de Lewis. C'est jour de funérailles. Les pétales des roses blanches et ses larmes se rejoignent dans la fosse noire qui se ferme, à jamais. Au revoir Maman. Encore fragilisé par la perte, le jeune homme retrouve ses trois sœurs et le notaire pour la lecture du testament. Héritier de tous les biens, Lewis ne veut presque rien ; seul le manoir de Childwickbury lui est cher. Du spleen, des souvenirs et Martha la gouvernante qui passe de temps à autre, tout est propice à l'écriture de son premier roman. Sauf que ce n'est pas l'inspiration qui va venir le visiter...

Santini Bertrand (Comment j'ai raté ma vie, L'étrange réveillon) imagine un huis-clos victorien dans lequel évolue un duo à la fois traditionnel et atypique : un frêle anglais à l'âme endeuillée qui se cherche dans l'écriture et une lady vaporeuse à la mémoire vierge de tous souvenirs depuis son passage par la mort. Classique dans ses ingrédients, l'intrigue évolue cependant de manière inattendue de par les attitudes déroutantes des acteurs qui souffrent et se font souffrir. Bien loin du macabre, mais, exhalant au contraire une douce poésie de fleur séchée, L'esprit de Lewis incarne l'élégance et le charme des récits gothico-romantiques avec, en plus, un filet d'humour et d'originalité qui renouvelle le genre et capte l'intérêt du lecteur.

Lionel Richerand (Dans la forêt) possède ce graphisme typique des Zanzim, Tanquerelle et autre Kerascoët, un trait fin mais une texture dense qui donne dans la caricature légère. Son sens aigu du détail s'exprime dans chaque case, tant dans les décors que pour les personnages. Telles des résidentes de l'ombre, d'étranges créatures empaillées, formolées ou dissimulées dans les tapisseries peuplent la demeure stylée, participant d'une façon muette très efficace à l'ambiance fantasmagorique. Pour ajouter à la beauté des planches, Hubert a déposé ses aplats de couleurs parés d'une trame travaillée dans sa variété, le tout dévoilant des illustrations racées et expressives. L'esthétique a été pensée dans ses moindres détails, jusqu'aux superbes pages de garde, le doré de la couverture et la calligraphie.

Un premier acte captivant à l'atmosphère envoûtante qui s'assombrit dans les dernières pages : un drôle de drame s'annonce pour la suite car une femme blessée au cœur, même défunte, reste très dangereuse !