Jacques Cartier (Filippi/Boutin-Gagné) À la poursuite d'Hochelaga

U n groupe d'hommes sort de la forêt de Charlesbourg-Royal en haletant. Poursuivis par des indiens, ils courent jusqu'à l'entrée du fort protecteur mais, malheureusement, des flèches abattent trois d'entre eux. Cette agressivité nouvelle témoigne de l'échec cuisant de six années de travaux d'approche entre les occidentaux et les tribus autochtones. Malgré tous ces efforts, la troisième expédition de 1541 en Amérique du Nord sera l'ultime pour Jacques Cartier et son équipe.

À partir d'une documentation peu abondante, Denis-Pierre Filippi aborde un pan de la biographie d'un des premiers explorateurs humanistes français. Un étranger qui n'envisage pas la conquête d'un territoire comme un envahissement imposé et violent mais une cohabitation cordiale et consentie. À travers la mise en scène des deux derniers voyages, le scénariste montre les facettes de cette personnalité peu démonstrative, prudente et mesurée dans ses actions. Habile dans ces transactions mais ferme et juste dans ses décisions, il est conscient de la richesse et de l'intelligence de ses interlocuteurs, certes différents, mais tout à fait dignes d'amitié et surtout de considération. Le contraste n’apparaît que plus flagrant lors des échanges avec ses collaborateurs, bien moins ouverts que lui.

Le style reconnaissable de Patrick Boutin-Gagné, avec ces visages et physionomies assez géométriques, apporte une touche originale et surprend agréablement dans un récit historique où un dessin réaliste est généralement attendu. Le bon équilibre dans les aplats de noir et le choix de couleurs assurent de jolies ambiances aux lieux et saisons évoqués (automne chaud et flamboyant canadien, froidure blafarde de Saint-Malo). Le soin apporté au découpage et aux cadrage dynamise la narration qui n'hésite pas à s'attarder judicieusement sur les expressions, les panoramas et la faune, permettant un voyage visuel très plaisant.

Même si la vie de Jacques Cartier reste dans le flou, les auteurs se sont attachés à présenter un personnage qui, s'il restait animé d'un désir d'appropriation somme toute illégitime, se révélait être pacifiste dans l'âme. Il est dénué de sens belliqueux, ayant compris que tout être humain mérite le dialogue et le respect plutôt que l'arrogance et le mépris.

Moyenne des chroniqueurs
6.0