Calypso (Cosey) Calypso

C osey inaugure son Grand prix obtenu à Angoulême avec Calypso, un récit romantique et nostalgique qui rappellera de bons souvenirs à ceux qui étaient tombés sous le charme de Shirley Muir, le temps d’un voyage en Italie. Même si les années ont passé, les sentiments restent et Gus n’aime pas qu’on se moque de Georgia Gould, la célèbre (et fanée) star d’Hollywood. Il faut dire qu’il a très bien connu l’actrice, alors qu’elle s’appelait Georgette Schwitzgebel et qu’elle affolait déjà tous les mâles du Valais. Après avoir suivi des routes diamétralement opposées, les hasards de la vie font qu'ils vont se recroiser un instant, avant de se reperdre quasiment aussitôt.

Même s’il n’évite pas totalement le pathos (l’ultime révélation va peut-être un peu trop loin dans la guimauve), le créateur de Jonathan propose une peinture humaine très touchante. D’un côté, Gus et Pépé, les travailleurs ancrés dans la roche des montagnes, de l’autre, Georgia, l’étoile qui a su saisir sa chance et filer au-dela de l’océan. Pas de chichis, pas d’effet de manche, simplement des âmes mises à nu et montrées de la plus belle des façons. En outre, la narration est riche en petits détails (architectures, touches d’humour, références et hommages plus ou moins voilés) souvent anodins, mais toujours très justes. L’ensemble forme un véritable roman au rythme posé et aux fondations aussi solides que celles des Alpes. C’est comme si Paul Auster avait rencontré Charles-Ferdinand Ramuz pour l'accompagner dans une randonnée vers un alpage secret.

Alors qu’il est considéré, à juste titre, comme un maître de la couleur, le dessinateur a choisi un N&B net et tranchant (pas de gris ou de trame) pour les planches de son nouvel album. Le résultat est remarquable d’élégance et de profondeur. La mise en page se montre également à la hauteur. La patte de l’artiste est immédiatement reconnaissable, mais parfaitement dosée. Mieux encore, ce dernier n’abuse d’aucun de ses « trucs » habituels et rend une copie fluide et réaliste, mais nullement dénuée de poésie. Le cadre et les décors jouent aussi pleinement leur rôle dans le processus narratif. Sommets enneigés ou gratte-ciel ? Roulotte ou palace ? Tels des échos aux dilemmes auxquels les personnages ont dû faire face, ces renvois graphiques enrichissent énormément le plaisir de lecture.

Fidèle à ce qui a fait sa réputation, Cosey offre avec Calypso un conte psychologique sensible et de haute tenue.

Moyenne des chroniqueurs
7.5