Mattéo 4. Quatrième époque (août-septembre…

M attéo, Robert et Amélie voulaient participer activement à la lutte contre les fascistes. Cette fois, ils y sont. Après un léger contretemps administratif à Barcelone, le trio se retrouve devant Alcetria, un petit village tenu par l’ennemi. Les directives sont simples : le prendre et le tenir. Plus facile à dire qu’à faire quand la troupe se résume à une poignée d’anarchistes peu enclins à accepter des ordres et que les armes font défaut. À la guerre comme à la guerre, quand il faut y aller, il faut y aller !

Quatre ans après le tome précédent, Jean-Pierre Gibrat offre enfin une suite aux aventures de Mattéo. Après La Der des Der et la Révolution Russe, les protagonistes de cette tragi-comédie sont maintenant plongés dans la fournaise espagnole, aux côtés des Républicains, cela va sans dire. Finement ciselé autour de multiples ellipses audacieuses, le scénario exploite à fond l’aura romantique du conflit : les brigades internationales, les unités faites de bric et de broc, la lutte pour la liberté, les femmes combattantes, etc. Heureusement, le créateur de La Parisienne réussit à mettre suffisamment de distance entre la légende chère à Hemingway et le cœur de son récit. Alors qu’il s’amuse avec les stéréotypes – Mermoza, l’aviateur, par exemple –, c’est pour mieux braquer son regard sur ses héros, Mattéo principalement. La psychologie de celui-ci continue d’évoluer et de se préciser alors qu’il se voit obliger de commander l’assaut sur la bourgade. Pleines d’intelligences et de subtilités, les nouvelles facettes du personnage s’avèrent pertinentes et particulièrement bien décrites.

En plus du fond, la manière se montre impressionnante. Le découpage très aéré permet, outre de sensationnelles grandes compositions, de faire « passer » les nombreux et copieux récitatifs. Imposants, ces blocs de texte savent disparaître alors que l’action ou les gags prennent le dessus. Le résultat de ce délicat travail narratif est tout bonnement formidable de fluidité. La gestion des temps – lents ou courts – profite aussi de cette approche originale et maîtrisée. La longue attente avant la bataille, les trop rares instants d’intimité ou de réflexion, jours, heures et minutes s’enchaînent naturellement.

De la bravoure, des sentiments et pas mal d’humour, avec cette Quatrième Époque, Jean-Pierre Gibrat démontre toute l’étendue de son talent d’auteur complet. Il ne reste plus qu’à espérer que le prochain volume arrive plus rapidement.

Moyenne des chroniqueurs
8.0