L'Écorce des choses

L a route défile sous ses yeux et les ombres des branches glissent sur son visage. La voiture s'arrête et une nouvelle maison se découvre, isolée, avec tout autour, une forêt. Les lèvres bougent mais pas de son, ce sont les gestes qui parlent, les mains qui disent. La petite fille n'a que quatre sens, l'ouïe dort. Les vibrations la transportent et le contact la réconforte. Avec des parents qui se disputent et ne s'écoutent plus, qui se voient mais ne se touchent plus, la fillette est seule pour appréhender ce monde de pantomimes. Comment communiquer et partager ? Ah, il y a bien un voisin de son âge qui cherche à la connaître. C'est cependant Dame Nature, généreuse, qui la comprend le mieux. Avoir un vieux chêne pour confident, à neuf ans et demi, la vie est loin d'être facile !

Cécile Bidault livre sa première œuvre, un récit exempt de mots mais à l'expressivité manifeste. La force réside dans les illustrations qui prennent vie dans le découpage simple en gaufriers, composés de cases affranchies de leur contour pour laisser respirer le récit. Le trait épuré, proche des dessins d'enfant, s'habille de jolies couleurs douces, en harmonie avec l'héroïne. Pour le fond, l'impact est loin d'être aussi fort. Le quotidien silencieux et relativement solitaire est décrit de façon linéaire, sur quatre saisons. Des événements anodins et classiques se succèdent, sans fil conducteur apparent et leur pertinence est loin d'être évidente, à tel point que le lecteur se demande s'il n'est pas resté à la surface de L'écorce des choses. La lecture nécessite alors une attention de tous les instants car tout est, à priori, dans la suggestion, les sous-entendus et les non-dits. Les quelques métaphores sont plutôt pertinentes (des poissons qui volent, donnant l'impression d'aquarium). La dernière partie est d'autant plus déroutante qu'elle n'a pas de réelle explication ni de lien avec le sujet principal, le handicap de la surdité. Finalement, l'artiste n'entre pas assez en profondeur dans le thème pour provoquer l'empathie et la compassion invoquées.

Une fois le livre refermé, l'émotion espérée est limitée, non pas à cause du graphisme mais parce que l'onirisme trop abscons laissera perplexes les jeunes et sur leur faim les adultes.

Moyenne des chroniqueurs
5.0