Elric (Blondel/Cano/ "Collectif") 3. Le Loup blanc

P our pourvoir aux besoins de Stormbringer, la buveuse d’âmes, et surtout protéger Cymoril, son aimée, Elric s’est exilé de Melniboné. Cela fait un an qu’il parcourt les Jeunes Royaumes lorsque, sur un coup de tête, il délivre un homme des esclavagistes qui l’ont capturé. Smiorgan Tête-Chauve, comte et seigneur-marchand de la mer des Cités Pourpres, se lie rapidement d’amitié avec l’albinos et va le suivre vers la ville de Dhakos, sans se douter que Melniboné n’en a pas fini avec son prince déchu.

Pour les connaisseurs de l’œuvre de Moorcock, ce troisième épisode (sur quatre) se réfère essentiellement à Cap sur le présent dans Le Navigateur sur les mers du destin. Il s'agit d'un tome très important, et pas seulement parce qu’il prépare le final. Il est surtout le premier où le champion d’Arioch est parti de l’Île aux dragons. Il doit vivre avec une lame démoniaque, douée de raison, qui le pousse à la nourrir toujours plus. Même s’il ne veut pas devenir boucher, il est cependant contraint d’accéder régulièrement aux envies de son arme pour recevoir en échange l’énergie dont a besoin sa faible constitution. C’est donc maintenant que toute la dramaturgie autour d’Elric prend véritablement corps, de la relation ambiguë avec l’épée noire, en passant par ses inclinaisons liées à sa nature primordiale qui s’opposent à son attirance pour la jeune et vigoureuse humanité. Une fois encore, la qualité d’écriture permet de réaliser ces enjeux narratifs. L’évolution du Loup blanc, ses tourments et sa volonté de servir le Chaos mais de ne pas en être l’esclave sont clairement mis en scène sans perdre le dynamisme d’une aventure où la violence n’est jamais bien loin.

L’autre aspect fondamental de ce récit découle des libertés prises précédemment par rapport aux textes originaux qui prennent sens et même s’accentuent. En particulier, le final, qui est en soi une belle surprise, pourrait bien constituer un choc pour les aficionados. Mais une fois l’émotion première passée, force est de constater que tout cela augure d’un dénouement tragique « shakespearien » à la dimension du romantisme et du gothique des écrits du romancier anglais. D’autant plus que la partie graphique reste impressionnante. Le soin apporté au découpage, au cadrage, à la caractérisation des personnages et, plus globalement, à l’univers par Robin Retch et Julien Telo débouche sur des planches immersives et toujours lisibles. Leurs couleurs de Jean Bastide ajoutent à la fascination.

Jusqu’à présent, les auteurs réussissent le difficile pari de se réapproprier l’œuvre pour construire une histoire adaptée au média tout en en respectant profondément les fondements.

Moyenne des chroniqueurs
8.0