Nerval l'inconsolé

G érard de Nerval n’est pas un sujet simple. Son père le voyait médecin, mais c’est la littérature qui gagne son cœur. Malgré un succès précoce, à l’âge de dix-neuf ans, avec sa traduction du Faust de Goethe, sa carrière ne démarrera jamais vraiment. Il fraye avec l’élite littéraire de son époque, mais témoins de ses hallucinations et de ses séjours en maison de repos, ses confrères finissent par prendre leurs distances. C’est la descente aux enfers ; par moments, celui qui est né Labrunie frôle l’indigence et vit dans des taudis. Le bougre aime les femmes, est régulièrement amoureux fou, mais la réciproque s’avère rare. Enfin, il souffre de priapisme et a une propension à l’autoérotisme, idéalement en s’asphyxiant avec sa cravate.

Après avoir dépeint les vies de Mary Shelley et d’Adelbert von Chamisso, David Vandermeulen raconte les déboires de celui qui a signé Voyage en Orient. Le récit à l’allure d’une farce, le petit bonhomme est maladroit et ridicule, mais plutôt sympathique. Bien que le ton soit badin, le biographe retrace avec application les errances de l’homme de Lettres. Pour établir le sérieux de l’entreprise, plusieurs pages sont du reste surmontées de citations tirées de ses œuvres ou de sa correspondance.

Le trait caricatural de Daniel Casanave est reconnaissable entre mille. Son coup de pinceau est nerveux, minimaliste, voire enfantin, mais toujours élégant. Ses illustrations sont par ailleurs diablement efficaces. L’artiste est en effet particulièrement doué pour caractériser les personnages et les lieux. Il va à l’essentiel pour qu’au premier regard le lecteur reconnaisse Vienne, Constantinople ou Bruxelles. Idem lorsqu’il pastiche La décapitation d’Holopherne d’Artemisia Gentileschi ou La balançoire de Jean-Honoré Fragonard. Les couleurs en aplat de Claire Champion ajoutent à la joliesse de l’ensemble ; cela dit, la toute dernière planche permet d’apprécier le dessin pour ce qu’il est, nu et sans fart, et il demeure très beau. Il existe d’ailleurs une version noir et blanc (à l’italienne) de ce livre.

L’album inclut un intéressant dossier, lequel met en perspective le travail du scénariste qui raconte la vie d'un prosateur sur lequel on ne sait finalement que bien peu de choses.

Moyenne des chroniqueurs
7.0