Sixtine 1. L'Or des Aztèques

S ixtine n'a jamais connu son papa, décédé alors qu'elle avait 5 ans ; elle vit avec sa maman. C'est d'ailleurs le jour où, épaulées par une amie de cette dernière, elles ont dispersé les cendres du défunt sur une plage que l'enfant s'est découverte une particularité... Celle d'être la seule à voir et à communiquer avec trois pirates fantômes plutôt rigolos ! Depuis ce jour, le Captain Archembeau et ses acolytes, Igor et Tranche-Trogne, veillent sur la fillette et lui prêtent une oreille attentive. Alors forcément, lorsqu'elle commence à se poser des questions sur son père, elle s'en ouvre à ses amis.

C'est en voyant un croquis de Cécile Brosseau représentant une petite fille accompagnée de pirates que Frédéric Maupomé a eu envie d'écrire une histoire avec une telle héroïne. Il a donc imaginé une adolescente d'aujourd'hui confrontée à des questions contemporaines et plongée dans un univers où le fantastique aurait une place prépondérante. Ainsi, en plus d'un récit d'aventures dans lequel des spectres de flibustiers côtoient des collégiens, il est question de l'absence du père et de monoparentalité, de mort et de deuil, de difficultés pécuniaires et d'huissier, de quête de ses origines aussi. Le tour de force du scénariste est d'aborder ces thèmes de façon naturelle ; ils font partie du quotidien sans que l'ensemble ne paraisse artificiel. Il faut dire qu'il brosse le portrait d'une adolescente débrouillarde, bien dans son jean et ses baskets, pour qui ne pas connaître sa leçon de géométrie ou ne pas être apprêtée comme les mannequins en une des magazines de mode n'a guère d'importance.

Sixtine a des défauts mais elle se moque du regard des autres. Elle est spontanée et surtout rêveuse, intrépide et courageuse, ce qui la rend immédiatement attachante. La galerie de personnages, qu'ils soient vivants ou plus vraiment, est particulièrement bien trouvée. Chacun est parfaitement caractérisé et s'insère dans la trame avec fluidité, notamment le trio de fantômes, plus proche des Pieds Nickelés que de Long John Silver. Grâce à eux, aux camarades de classe et aux adultes qui gravitent autour de la jeune fille, l'auteur parvient, tout au long du récit, à maintenir l'équilibre entre action, humour et sujets plus graves. Enfin, les dialogues concourent à la bonne impression d'ensemble, bien écrits, ils sonnent justes quelques soient les situations.

Sixtine a pris naissance sous le pinceau d'Aude Soleilhac (Le tour du monde en 80 jours). En soixante-seize planches, la jeune dessinatrice développe un univers riche empreint de modernité. Dans la continuité de ce qu'elle avait proposé avec Histoire de poireaux..., l'artiste opte pour un dessin dynamique, qui n'est pas sans rappeler le travail de Jérôme Jouvray (Lincoln) ou de Dawid (SuperS). Elle admet d'ailleurs s'être inspirée des techniques de travail de ce dernier pour réaliser ses planches, notamment dans l'utilisation des lavis avant une mise en couleurs via l'outil informatique. Cette colorisation, justement, souligne avec à-propos son trait lâché sans jamais le masquer et lui permet de donner à ses différentes séquences encore plus de vie. Un dessin vif donc, de belles couleurs, des cadrages variés et un découpage sobre qui assurent une lisibilité constante. Le tout est mis en valeur dans un album soigné, comme souvent avec les éditions de la Gouttière, pour un prix très raisonnable au regard de la pagination.

L'Or des Aztèques, est tout simplement emballant et lance superbement cette nouvelle série destinée à tous les publics. Vivement le mois d'août 2018 pour partir à l'abordage du deuxième tome de Sixtine !

Moyenne des chroniqueurs
8.0