Clifton 23. Just married

L ’Angleterre est victime d’une vague d’attentats atroces : des noces sont décimées à peine le parvis de l’église passé (et même avant !). Démunis devant ces crimes insoutenables, c’est fort logiquement que le MI5 et Scotland Yard se tournent vers la crème (de menthe) des sujets de sa très gracieuse Majesté : Harold Wilberforce Clifton, évidemment. Accompagné de son père en visite pour quelques jours, ce dernier accepte cette mission sans sourciller et un plan brillant est immédiatement mis sur pied.

Résurrection surprise ayant connu un joli succès éditorial, la reprise de Clifton par Zidrou et Turk est peut-être le « reboot » le plus inattendu de ces dernières années. Créée en 1960 par Raymond Macherot, la série a connu un âge d’or sous la plume et le pinceau de Bob De Groot et Turk au tournant des années 80, pour ensuite disparaître des radars pendant deux décennies (la faute à plusieurs albums médiocres), le titre renaît en 2016 avec Les gauchers contrariés. Les héros ne meurent jamais, dit justement le dicton. Aura-t-il assez de force pour résister à l’imagination sans fond du scénariste le plus fécond du moment ?

Même s’il reprend une bonne partie des ingrédients de la série (humour bon enfant, second degré), Just Married ne décolle jamais pour de bon. Mal équilibrée, l’histoire se développe maladroitement autour de considérations triviales (la rivalité journalistique entre le Clarion et le Daisy Mirror), un retour sans saveur sur la jeunesse du détective et une multiplication de gags plus ou moins misogynes et pas spécialement drôles. Également peu enthousiasmant, le méchant se révèle être raté et sans réel intérêt. Zidrou se limite à empiler les situations abracadabrantes et les tentatives de bons mots (toujours les mêmes) et oublie de donner un vrai rôle à son héros. Dans la masse, quelques passages font sourire, voire rire, mais, globalement, l’ensemble fait bien pâle figure, particulièrement au regard des aventures précédentes du célèbre moustachu.

Graphiquement, Turk assure le minimum. Son style est toujours aussi agréable et bien ajusté. Il abuse néanmoins des possibilités de l’informatique avec des cases très « zoomées » ou, à l’inverse, trop élargies. Résultat, entre trait artificiellement épaissi et minuscules scènes ultra-détaillées, la lecture devient fatigante. À sa décharge, le dessinateur n’est pas beaucoup aidé par Kaël dont la mise en couleurs volontairement rétro n’offre pas plus d’agrément pour l’œil.

À force de jouer sur la nostalgie supposée des lecteurs et une certaine facilité dans le propos, Just Married passe à côté de sa cible. Un peu plus de finesse ou simplement une intrigue mieux étagée n’aurait pas été de trop.

Moyenne des chroniqueurs
5.0