Gold Star Mothers

O nze ans après avoir perdu son fils sur les champs de bataille français lors de la première guerre mondiale, Mrs Smith se voit proposer par le Congrès américain la possibilité d'aller se recueillir sur sa tombe. Accompagnée de sa fille, Jane, elle accepte et embarque pour la France le 7 Mai 1930 pour sept jours de traversée. À bord, elles auront l'occasion de se rapprocher d'autres victimes indirectes de ce conflit si lointain, partager leurs peines, leurs sentiments et pourquoi pas tenter de comprendre pourquoi et comment leurs proches ont fait ce choix.

Catherine Grive, plus connue pour ses titres jeunesse (Le catalogue des vœux) et ses romans (Le Mensonge, Je suis qui je suis, Le bureau des objets perdus), publie avec Gold Star Mothers, sa première bande dessinée. Elle s'intéresse à un épisode de la Grande Guerre peu relaté dans les livres d'Histoire de ce côté-ci de l'Atlantique : la traversée et le séjour en France de ces femmes y ayant perdu un mari ou un fils. En quinze courts chapitres pour autant de jours, la scénariste fait vivre de l'intérieur ce voyage. Véritable pèlerinage, entre questionnements sur les motivations des soldats et découverte des hauts lieux de la capitale, elle met en lumière des destins fragiles à jamais marqués par l'Histoire. Un frère, un époux, un fils, francophile, patriote, épris de liberté, de justice ou d'évasion, les profils sont divers comme ceux des personnages suivis. Cette expédition sera avant tout l'occasion de dire un dernier au revoir à celui qu'elles ont perdu et ainsi faire leur deuil. Comme un pont de plus au-dessus de l'océan, l'album fait un drôle d'écho à Michigan de Julien Frey et Lucas Varela (sorti en avril 2017 chez Dargaud) qui traitait du chemin inverse effectué des années plus tard par les War Brides. Enfin, même si le rythme est saccadé, la narration décousue et si l'identification, vu le propos, apparaît difficile, le ton plein de pudeur reste toujours juste.

Cette impression est renforcée par le travail de Fred Bernard (Lady Sir, La paresse du panda). Son approche tout en finesse accompagne ce sentiment de véracité et accentue l'ambiance douce et nostalgique qui se dégage du récit. Les visages esquissés, les décors jetés mais réussis amplifient l'évanescence des souvenirs qui ressurgissent à mesure que le périple avance. Les couleurs vives, quant à elles, renforcent la nécessité de continuer à vivre dont les protagonistes font preuve malgré les moments de détresse.

À travers une galerie de portraits variés Gold War Mothers met en lumière avec tact et réalisme un chapitre obscur de la première guerre mondiale et rappelle que la vie continue malgré les peines. En dépit d'un défaut d'immersion véritable pour le lecteur, ce titre reste à la fois un bon moment de lecture et un rappel historique intéressant.

Moyenne des chroniqueurs
6.0