Georges Frog Le Petit rêve de Georges Frog

G eorges Rainette s'est installé à New York pour y suivre des cours au conservatoire. Très vite, il comprend qu'il n'est pas fait pour toutes ces théories, lui ce qu'il aime c'est le Jazz. En écouter, en jouer, en composer... Alors cette fois, c'est décidé il va se lancer. Mais la route de la création, en plus de ne pas être de tout repos, est souvent jonchée d'embûches. Heureusement, entre son voisin, Benny, son ami Harry et son piano - qui parle - et avec l'arrivée de la jeune et belle Cora, le musicien en herbe a de quoi trouver la force et la motivation pour concrétiser son rêve. Avant que la vie ne le rattrape ?

En 2006 Phicil, aidé de sa complice Drac, se lance dans l'aventure Georges Frog, une petite grenouille piquée par le virus du Jazz. Soleil, via sa collection Métamorphose propose les quatre tomes regroupés en intégrale, renommé pour l'occasion Le petit rêve de George Frog. Le tout est agrémenté d'un petit dossier mêlant un bref historique du Jazz, des conseils de lectures pour en découvrir davantage ainsi - et surtout - qu'une liste de titres à écouter avant, pendant ou après.

Les auteurs de Zen et Boule de cuir ont toujours réservé dans leur bibliographie (London Calling) une place à part à la musique et cette série en est le plus bel exemple. La passion, la recherche d'inspiration, le mythe de l'artiste tourmenté, l'amour, l'amitié, etc. au final des thèmes universels et les aléas de la vie peuvent être ainsi abordés. À la manière de ce que propose Renaud Dillies (Mélodie au crépuscule, Betty Blues ou plus récemment Loup) l'utilisation de anthropomorphisme ouvre des possibilités variées dans la caractérisation des personnages. Phicil en joue, s'en amuse, les détourne ou les exagère pour le plus grand bonheur du lecteur. Les deux premiers actes, notamment, sont de véritables invitations au voyage temporel, auditif et visuel. Le décor tout d'abord, un New-York années 30, où la misère côtoie les richesses, la mixité est l'apanage des plus pauvres et où le brassage culturel influe sur la musique et le jazz notamment. Les couleurs choisies par Drac sont pour beaucoup dans l'ambiance désuète et savoureuse qui inonde les planches, des décors aux vêtements en passant par les bouilles dessinées par son compère. Le trait simple et efficace permet d'installer une fluidité de tous les instants et offre une appréciable lisibilité.

Le propos, ensuite. Bien plus sombre que ne le laisserait supposer un rapide feuilletage ; derrière les mignons petits animaux qui se tapent un bœuf plus rapidement qu'ils ne paient les factures, les préjugés raciaux ou sociaux sont présents tout comme les difficultés à joindre les deux bouts. Que l'on soit grenouille française immigrée et pleine de projets ou « sombres » sans le sou du fin fond de la Nouvelle Orléans venus chercher fortune à la ville, la vie s'avère bien plus rude que prévue. Ballotté par les espoirs et les déceptions, chacun devra décider de sa voie : persévérer, revoir ses ambitions à la baisse ou mettre totalement en sourdine ses envie de succès. En plus de la musique, l'amitié et l'amour aussi servent de fil rouge à ce récit, le scénariste de La France sur le pouce met en avant l'entraide plutôt que l'égoïsme pour avancer. Par les choix récurrents qui s'offriront au héros (malheureusement pas toujours inspiré dans ses décisions), Phicil traite du dilemme qui frappe souvent lorsque la réalité - économique - se heurte à son rêve - américain en l’occurrence. Une chronique sociétale qui trouve un bel écho encore aujourd'hui.

Georges Frog est un titre qui mérite, malgré un final légèrement en deçà, amplement cette belle réédition. Clothilde Vu et Barbara Canepa ajoutent ainsi un nouvel OVNI à la collection Métamorphose, auquel les mélomanes ne seront pas les seuls à prendre plaisir.

Moyenne des chroniqueurs
7.0