Julia von Kleist 1. Livre 1. Allemagne 1932

A llemagne, fin de la Première Guerre mondiale. Ulrich Von Kleist amorce son ascension sociale en épousant la fille d’un riche industriel. Son beau-père décédé, il prend les rênes de la société, mais sa femme, Julia, insiste pour demeurer propriétaire. Ils ont deux enfants, l’union n’est cependant pas heureuse. Monsieur couche avec sa secrétaire, Madame séduit un homme avant d’apprendre qu’il est ouvrier dans une de ses usines. En filigrane se profile l’avancée du nazisme : éblouissement de la jeunesse par ces idées et laisser-aller des gens d’affaires pour qui Adolf Hitler est un rempart contre la menace communiste.

Dans cet ouvrage, il est certes question de politique, mais ce sujet est secondaire, voire anecdotique. Le scénariste Jean-Blaise Djian fait le pari de présenter la progression du fléau de l’angle d’une poignée de citoyens lambdas. Ces derniers sentent qu’il y a quelque chose qui cloche ; les affaires vont tout de même bien, la progéniture est en bonne santé et les amants sont accueillants. Ils ferment alors les yeux et ne s’inquiètent pas trop de la violence ambiante et des idéologies fascistes qui séduisent la jeunesse. Bref, le Führer fait son petit bonhomme de chemin dans le confort et l’indifférence du peuple. La perspective est intéressante, cela dit, au final, le lecteur a l’impression que le récit se cherche à force d'hésiter entre la saga familiale et la chronique politique. Certaines mises en contexte, amenées sous la forme de dialogues, plombent par ailleurs la fluidité de la narration. Enfin, la période couverte étant passablement vaste, des ellipses sont surprenantes, voire abruptes.

Le coup de pinceau de Bruno Marivain est impeccable pour ce type de projet. Sobre, réaliste et sans fantaisie, il rend bien l’esprit qui règne à cette époque. La construction des planches est à l’avenant : pas systématiquement le gaufrier à trois bandes, mais c’est tout comme. L’artiste propose par ailleurs de nombreux gros plans de ses acteurs, en cela le dessin est fidèle à l’entreprise ; plutôt que d’offrir un point de vue général, il s'attarde aux détails.

Ce livre, d’abord publié en 2009, est le premier d’une trilogie. Une intégrale a été éditée en 2011.

Un album bien conçu, une variation originale sur la montée de l’extrême droite il y a près d'un siècle.

Moyenne des chroniqueurs
7.0